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LIVRE QUATRIÈME.

du modèle, lors même que le peintre aurait fait son propre portrait : car cette image n’est point née du corps du peintre, ni de la forme représentée, ni du peintre même, mais elle est le produit d’un ensemble de couleurs disposées de telle ou telle manière. Il n’y a donc pas là véritablement production d’une image, telle que nous en offrent les miroirs, les eaux et les ombres. Ici, l’image émane réellement du modèle préexistant, est formée par lui et ne saurait subsister sans lui[1]. C’est de cette manière que les puissances inférieures procèdent des puissances supérieures.

Passons à l’objection tirée de la chaleur qui subsiste en l’absence du feu. Nous répondrons que la chaleur n’est pas l’image du feu, à moins qu’on ne soutienne qu’il y a toujours du feu dans la chaleur ; mais alors même la chaleur ne serait pas indépendante du feu. En outre, quand vous éloignez d’un corps le feu qui l’échauffe, ce corps se refroidit, sinon instantanément, du moins peu à peu. Qu’on ne vienne pas dire que les puissances qui descendent ici-bas s’éteignent aussi peu à peu : ce serait supposer que l’Un est seul immortel, que les âmes et les intelligences sont mortelles. D’ailleurs, il n’est pas raisonnable d’admettre que même les choses qui proviennent de l’essence qui s’écoule s’écoulent également : rendez le soleil immobile[2], il répandra toujours la même lumière dans les mêmes lieux. Si l’on objectait que ce n’est pas véritablement la même lumière, on en conclurait que le corps du soleil est dans un écoulement continuel. Enfin, nous avons ailleurs[3] longuement démontré que ce qui procède de l’Un ne périt pas, que toutes les âmes et les intelligences sont immortelles.

XI. Mais, si l’Être intelligible est présent partout, pourquoi tous les êtres ne participent-ils pas à l’Être intelligible

  1. Nous lisons avec M. Kirchhoff ἀπ’ αὐτοῦ ἀποτετμημένα (ap’ autou apotetmêmena), au lieu de ἀφ' ἑαυτοῦ (aph’ heautou).
  2. Nous lisons avec M. Kirchhoff : ϰαίτοι, εἰ μὲν ἱδρυθείη ὁ ἥλιος (kaitoi, ei men hidrutheiê ho hêlios), au lieu de ὁ ἱδρυθείς (ho hidrutheis).
  3. Voy. Enn. IV, liv. VII.