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LIVRE QUATRIÈME.

XVI. Si l’âme ne saurait devenir mauvaise[1], si telle est la manière dont elle vient dans le corps et dont elle y est présente, en quoi donc consistent la descente et l’ascension périodiques de l’âme, les châtiments qu’elle subit et ses migrations dans des corps d’animaux autres [que des corps humains][2] ? Nous avons en effet reçu ces dogmes des philosophes anciens qui ont le mieux traité de l’âme[3]. Or, il convient de montrer que notre doctrine est d’accord avec ce qu’ils ont enseigné, ou du moins ne le contredit pas.

Nous venons d’expliquer que, lorsque le corps participe à l’âme, l’âme ne sort pas d’elle-même en quelque sorte pour venir dans le corps, que c’est le corps au contraire qui vient dans l’âme en participant à la vie : or évidemment, quand les philosophes anciens disent que l’âme vient dans le corps, il faut entendre par là que le corps entre dans l’être, qu’il participe à la vie et à l’âme ; en un mot, venir ne signifie pas ici passer d’un lieu dans un autre, mais indique de quelle manière l’âme entre en commerce avec le corps ; descendre, c’est donc pour l’âme être dans un corps (ἐν σώματι γενέσθαι), dans le sens où nous l’avons expliqué, c’est-à-dire, lui donner quelque chose d’elle, et non être la chose du corps (σώματος γενέσθαι) ; par suite,

  1. Voy. Enn. I, liv. I, § 12 ; t. I, p. 48.
  2. « Platon a écrit, cela est certain, que les âmes des hommes reviennent après la mort sur la terre et jusque dans les corps des bêtes. Cette opinion a été adoptée par Plotin, le maître de Porphyre. Porphyre l’a condamnée, et non sans raison. Il a cru avec Platon que les âmes humaines retournent dans de nouveaux corps, mais seulement dans des corps humains… Porphyre a très-fortement corrigé l’opinion de Platon en admettant seulement la transmigration des âmes humaines dans des corps humains et en refusant nettement de les emprisonner dans des corps de bêtes. » (S. Augustin, Cité de Dieu, liv. X, ch. 30 ; trad. de M. Saisset.)
  3. Ces opinions des anciens philosophes sont exposées et discutées par Plotin dans l’Enn. IV, liv. VIII, § 1-5 ; t. II, p. 477-489.