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SIXIÈME ENNÉADE.

sortir du corps, c’est encore pour l’âme cesser de le faire participer à la vie.

Voici comment s’opère cette participation pour les parties de cet univers [c’est-à-dire pour les corps].

Placée en quelque sorte aux confins du monde intelligible[1], l’âme donne souvent au corps quelque chose d’elle : car, par sa puissance, elle est voisine du corps, et se trouvant ainsi à une petite distance de lui, elle entre en commerce avec lui en vertu d’une loi de sa nature[2] : or ce commerce est mauvais, et s’affranchir du corps est bon[3]. Pourquoi ? C’est que dans ce commerce, si l’âme n’est pas la chose du corps, elle s’unit cependant à lui, et d’universelle qu’elle était elle devient particulière : car son activité ne s’applique plus au monde intelligible tout entier, quoiqu’elle lui appartienne [toujours par sa nature][4]. C’est comme si celui qui possède une science entière n’en considérait qu’une seule proposition ; or le bien de celui qui possède une science entière consiste à en considérer la totalité au lieu d’une seule partie[5]. De même l’âme, qui appartenait au monde intelligible tout entier et confondait en quelque sorte son être particulier dans l’Être total, s’est élancée hors de l’Être universel et est devenue être particulier[6], parce que le

  1. « Pourquoi les Pythagoriciens appelaient-ils l’âme une harmonie ? C’est comme occupant un rang intermédiaire, selon Porphyre : car elle est sur les confins de toutes choses (μεθόριον τῶν ὅλων (methorion tôn holôn)), puisque les extrémités sont Dieu et la matière, et que les choses qui touchent aux extrémités sont l’âme et le corps. » (Olympiodore, Commentaire sur le Phédon, p. 18.)
  2. Voy. Enn. IV, liv. III, § 12-17 ; t. II, p. 289-298.
  3. « Porphyre dit que Dieu a mis l’âme dans le monde afin que, voyant les maux dont la matière est le principe, elle retournât au Père et fut affranchie à jamais d’une semblable contagion. » (S. Augustin, Cité de Dieu, liv. X, chap. 30.)
  4. Voy. Enn. IV, liv. VIII, § 4 ; t. II, p. 484-487.
  5. Voy. Enn. IV, liv. IX, § 5 ; t. II, p. 501-502.
  6. « Anima nostra per potentiam intellectualem semper est universum ; per rationalem vero et imaginalem atque vegetalem aliquando est universum,