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SIXIÈME ENNÉADE.

seulement [d’une manière relative] en ce sens qu’il est toujours possible d’y ajouter ? Mais celui qui nombre ne crée pas les nombres ; ils étaient déjà déterminés et ils existaient [avant d’être conçus par celui qui nombre][1]. Comme les êtres sont déterminés dans le monde intelligible, le nombre y est également déterminé par la quantité des êtres, De même que nous rendons l’homme multiple en lui ajoutant le beau et les autres choses de ce genre ; de même, à l’image de chaque essence intelligible nous faisons correspondre une image du nombre ; et de même que nous pouvons multiplier par la pensée une ville qui n’existe pas, de même nous multiplions les nombres ; quand nous nombrons les parties du temps, nous nous bornons à leur appliquer les nombres que nous avons en nous-mêmes et qui ne cessent pas pour cela de rester en nous.

III. Comment l’infini est-il arrivé à l’existence malgré sa nature d’infini ? car les choses qui sont arrivées à l’existence et qui subsistent ont été préalablement comprises dans un nombre. — Avant de répondre à cette question, il faut examiner si, lorsqu’elle fait partie des êtres véritables, la multitude peut être mauvaise. Là-haut, la multitude reste unie et est empêchée d’être complètement multitude, parce qu’elle est l’Être un ; mais celui-ci est inférieur à l’Un par cela même qu’il est multitude, et, de cette manière, il est imparfait par rapport à l’Un. Ainsi, n’ayant point la même nature que l’Un, mais une nature en quelque sorte dégradée [par rapport à lui], il lui est inférieur ; mais, par l’effet de l’unité qu’il tient de l’Un [puisqu’il est l’Être un], il a encore un caractère vénérable, il ramène à l’unité la multitude qu’il contient et il la fait subsister d’une manière immuable.

Comment donc l’infini peut-il se trouver dans le monde intelligible[2] ? Ou il se trouve parmi les êtres véritables, et

  1. Voy. ci-après, § 16, p. 397.
  2. Voy. ci-après, § 17, p. 399.