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LIVRE SIXIÈME.

alors il est déterminé ; ou il n’est point déterminé, et alors il ne se trouve pas parmi les êtres véritables, mais il doit être placé parmi les choses qui sont dans un devenir perpétuel, telles que le temps[1]. — L’infini est déterminé, mais il n’en est pas moins infini : car ce n’est pas le terme (ou le fini, τὸ πέρας (to peras)) qui reçoit la détermination, c’est l’infini[2] ; et il n’y a entre le terme et l’infini aucun intermédiaire qui reçoive la détermination. Cet infini fuit en quelque sorte l’idée du terme[3], mais il est contenu par ce qui l’embrasse extérieurement. Quand je dis qu’il fuit, je n’entends pas qu’il aille d’un lieu dans un autre (car il n’a point de lieu), mais je veux dire que le lieu a existé dès que cet infini a été embrassé[4]. Il ne faut pas s’imaginer que ce qu’on nomme le mouvement de l’infini consiste dans un déplacement, ni admettre

  1. Cette objection est tirée de la doctrine d’Aristote. Voy. notre tome II, p. 194, note 4.
  2. Plotin paraît faire ici allusion à la doctrine de Platon sur le fini et l’infini : « Je dis donc que les deux espèces par lesquelles je propose de commencer l’examen sont celles dont j’ai parlé tout à l’heure, le fini et l’infini. Je vais m’efforcer de montrer que l’infini est en quelque sorte plusieurs, etc. » (Philèbe, trad. de M. Cousin, t. II, p. 326.)
  3. Ficin commente cette idée en ces termes : « Infinitas ipsa nullum actu proprium habet esse, alioquin computata esset in genere entium, ibique designata, igitur definita : quare nec actu jam esset infinitas ; verumtamen latet infinitudo sub termino semper aliquid terminante. Igitur, si quando formas omnes quasi terminos atque fines e medio tollas, quod reliquum fingitur, infinitudo vocatur. Si hanc apprehendis, jam terminas ; sin terminas, non apprehendis infinitatem. Denique, si per omnia oppositorum genera pro arbitrio curras, neutrum oppositorum rursum dedicabis infinitati : alioquin mox eam tibi finieris ; rursumque alterutrum oppositorum in ea poteris per negationem alterius appellare. »
  4. Plotin paraît faire allusion au passage suivant de Platon : « Il faut enfin concevoir une troisième espèce, celle du lieu éternel, ne pouvant jamais périr, donnant place à toutes les choses qui reçoivent la naissance, et perceptible elle-même, indépendamment des sens, par une sorte de raison bâtarde, etc. » (Timée, p. 52 ; trad. de M. H. Martin, t. I, p. 141.)