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LIVRE SIXIÈME.

élément du composé, il devra d’abord exister et être un par soi, afin de pouvoir s’unir à une autre chose ; ensuite, étant mêlé à cette autre chose qu’il a rendue une, il ne sera plus réellement un, il deviendra par là même deux. Comment d’ailleurs cela s’appliquera-t-il à la décade ? Quel besoin a de la décade ce qui est déjà décade en vertu de la puissance qu’il possède ? Recevra-t-il sa forme de la décade ? S’il en est la matière, s’il n’est dix et décade que par la présence de la décade, il faut que la décade existe d’abord en soi, à l’état de décade pure et simple.

VI. Mais si, indépendamment des choses elles-mêmes, il y a l’Un en soi et la Décade en soi, et si les intelligibles, indépendamment de ce qu’ils sont par leur essence, sont les uns des unités, les autres des dyades et des triades, quelle est la nature de ces nombres ? Comment est-elle constituée ? — Il faut admettre qu’une certaine raison préside à la génération de ces nombres. Il est donc nécessaire de bien comprendre qu’en général, si les formes intelligibles existent, ce n’est pas parce que le principe pensant a d’abord pensé chacune d’elles, et par sa pensée leur a donné l’existence : car la justice n’est pas née parce que le principe pensant a pensé ce qu’est la justice, ni le mouvement parce que ce principe a pensé ce qu’est le mouvement. Ainsi il fallait que la pensée fût postérieure à la chose pensée, que la pensée de la justice, par exemple, fût postérieure à la justice. D’un autre côté, la pensée est antérieure à la chose qui doit son existence à la pensée, puisque cette chose n’existe que parce qu’elle est pensée. Si donc la justice était identique à une telle pensée, il serait absurde que la justice ne fût rien autre chose que sa définition : car en ce cas, penser la justice ou le mouvement, serait-ce autre chose que concevoir [par une définition] ce qu’est chacun de ces objets ? Or cela reviendrait à concevoir la définition d’une chose qui n’existe pas, ce qui est impossible.

Si l’on dit que, dans ce qui est immatériel, la connais-