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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/440

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LIVRE SIXIÈME.

dans l’Être ; mais il n’était pas encore le Nombre de l’Être : car l’Être était encore un. Mais la puissance du Nombre qui existait en lui l’a divisé, et lui a fait enfanter la multitude. Le Nombre est en effet ou l’essence de l’Être ou son acte ; l’Animal même et l’Intelligence sont nombre. L’Être est le nombre uni [enveloppé], et les êtres sont le nombre développé ; l’Intelligence est le nombre qui se meut en soi-même et l’Animal est le nombre qui contient. Étant né de l’Un, l’Être doit être nombre comme il l’était dans l’Un[1]. C’est pourquoi [les Pythagoriciens] appelaient les idées des unités et des nombres[2].

Tel est le Nombre essentiel οὐσιώδης ἀριθμὸς (ousiôdês arithmos)). L’autre espèce de nombre, qu’on appelle nombre composé d’unités (μοναδιϰός (monadikos)), n’est qu’une image de celui-ci. Le Nombre essentiel est contemplé dans les formes intelligibles et il concourt à les engendrer ; d’un autre côté, il existe primitivement dans l’Être, et avec l’Être, et avant les êtres. C’est en lui que ceux-ci ont leur base, leur source, leur racine, leur principe[3]. En effet, l’Être a l’Un pour principe et repose en

  1. Au lieu des mots : ὡς ἦν ἐν ἐϰείνῳ (hôs ên en ekeinô), M. Kirchhoff lit : ὡς ἦν ἐν ἐϰεῖνο (hôs ên en ekeino), « comme l’était l’Un. »
  2. Les termes du texte grec sont : διὸ ϰαὶ τὰ εἴδη ἔλεγον ϰαὶ ἑναδας ϰαὶ ἀριθμούς (dio kai ta eidê elegon kai henadas kai arithmous). Le sujet sous-entendu du verbe ἔλεγον (elegon) est évidemment οἱ Πυθαγόρειοι (hoi Puthagoreioi), comme on en peut juger par ce passage d’Olympiodore : « Il faut savoir que les Pythagoriciens admiraient ceux qui les premiers avaient trouvé les nombres, disant que ceux-ci connaissaient l’essence de l’Intelligence : car ils appelaient les idées des nombres, et les idées sont dans l’intelligence. » (Commentaire du 1er Alcibiade, x, p. 95, éd. Creuzer.) Voy. encore sur ce point Aristote, Métaphysique, liv. I, ch. 5 ; Sextus Empiricus, Hypotyposes pyrrhoniennes, liv. III, 152 ; Porphyre, Vie de Pythagore, § 48.
  3. Il y a dans le texte : βάσιν δὲ ἔχει τὰ ὄντα ἐν αὐτῷ, ϰαὶ πηγὴν, ϰαὶ ῥίζαν, ϰαὶ ἀρχήν (Basin de echei ta onta en autô, kai pêgên, kai rhizan, kai archên). Ce sont les termes ordinairement employés par les Pythagoriciens, comme on le voit par le passage suivant de Théon de Smyrne : « Selon les anciens Pythagoriciens, les nombres sont le principe, la source et la racine de toutes choses. » Eorum quæ in Mathematicis ad