Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/445

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
384
SIXIÈME ENNÉADE.

Comme l’unité est vue dans tel être, puis dans tel autre encore, si la seconde unité subsiste aussi, l’unité suprême [de l’Être premier] ne possédera pas seule l’existence, et il y aura ainsi une multitude d’unités [comme il y a une multitude d’êtres]. Si l’on n’admet que l’existence de l’unité première, celle-ci existera dans l’Être en soi ou bien dans l’Un en soi. Si elle existe dans l’Être en soi, les autres unités [qui existent dans les autres êtres] seront alors homonymes et ne se trouveront plus subordonnées à l’unité première ; ou bien le Nombre sera composé d’unités dissemblables, et les unités différeront les unes des autres en tant qu’unités. Si l’unité première existe déjà dans l’Un en soi, quel besoin l’Un en soi aura-t-il de cette unité pour être un ? Si tout cela est impossible, il faut reconnaître l’existence de l’Un qui est purement et simplement un, qui est indépendant de tous les autres êtres par son essence, qui est nommé l’Un par excellence et conçu comme tel. Si l’Un existe là-haut sans objet qu’on nomme un, pourquoi ne subsisterait-il pas aussi là-haut un autre un [l’un de l’Être premier] ? Pourquoi tous les êtres, étant un chacun séparément, ne constitueraient-ils pas une multitude d’unités, qui fussent l’un-multiple ? Comme la nature [de l’Être premier] engendre, ou plutôt comme elle a [de toute éternité] engendré, ou du moins ne s’est pas bornée à une des choses qu’elle a engendrées, rendant ainsi l’un [de l’Être premier] en quelque sorte continu, si elle circonscrit [ce qu’elle produit] et qu’elle s’arrête promptement dans sa procession, elle engendre les petits nombres ; si elle s’avance plus loin, en se mouvant non dans des choses étrangères, mais en elle-même, elle engendre les grands nombres. Elle met ainsi chaque pluralité et chaque être en harmonie avec chaque nombre, sachant bien que, si les êtres n’étaient pas chacun en harmonie avec un nombre, ou ils n’existeraient pas, ou bien ils n’auraient ni proportion, ni mesure, ni raison.