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LIVRE SIXIÈME.

XII. L’un (τὸ ἒν (to en)) et l’unité (ἡ μονὰς (hê monas)), dira-t-on, n’ont point d’existence. Partout l’un est quelque chose d’un. Il n’y a là qu’une simple modification éprouvée par notre âme en présence de chaque être[1]. — Qui empêche alors de soutenir également que, lorsqu’on affirme l’être, il n’y a là qu’une simple modification de notre âme, que l’être n’est absolument rien ? Si l’on admet que l’être existe parce qu’il excite et frappe notre âme qui se le représente alors, nous voyons que l’âme est également frappée par l’un et se le représente. Il faut en outre demander [à l’auteur de l’objection] si cette modification ou cette conception de notre âme nous apparaît comme étant unité ou comme étant multitude. Bien plus, nous disons quelquefois qu’un objet n’est pas un : évidemment nous ne tirons pas alors de l’objet la notion de l’un, puisque nous affirmons que l’un n’est pas en lui. Nous avons donc l’un en nous, et cet un est en nous sans l’objet qui est appelé quelque chose d’un.

Mais, objectera-t-on, si nous avons l’un en notre âme, c’est que nous recevons de l’objet extérieur une notion et une image, qui est une conception fournie par cet objet.

Comme les philosophes qui professent cette opinion font une seule espèce de l’un et du nombre, qu’ils ne leur accordent point d’autre existence [que d’être conçus

  1. C’est la doctrine d’Aristote : « Ce qui prouve que l’unité signifie, sous un point de vue, la même chose que l’être, c’est qu’elle accompagne comme l’être toutes les catégories, et, comme lui, ne réside en particulier dans aucune d’elles, ni dans l’essence, ni dans la qualité, pour prendre des exemples ; c’est qu’ensuite il n’y a rien de plus dans l’expression quand on dit : un homme, que quand on dit : homme ; de la même manière que l’être ne signifie pas autre chose que substance, ou qualité, ou quantité ; c’est qu’enfin l’unité, dans son essence, c’est l’individualité même. » (Métaphysique, liv. X, chap. 2 ; trad. de MM. Pierron et Zévort, t. II, p. 127.) Voy. aussi le passage de la Métaphysique que nous avons cité ci-dessus, p. 220, note 2.