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SIXIÈME ENNÉADE.

par notre âme], si toutefois ils leur accordent un mode quelconque d’existence, c’est le moment d’examiner leur opinion[1]. Ils disent donc que la notion ou la conception que nous avons de l’un et du nombre nous vient des objets mêmes, est une notion a posteriori comme les notions de cela[2], de quelque chose, de foule, de fête, d’armée, de multitude : car, de même que la multitude n’est rien sans les objets multiples, ni la fête sans les hommes qui sont rassemblés et célèbrent la cérémonie religieuse, de même l’un n’est rien sans un objet un, quand nous affirmons l’un en le concevant seul, abstraction faite de tout le reste. Les partisans de cette opinion citeront beaucoup d’exemples du même genre, comme le côté droit, le haut, et leurs contraires. Quelle réalité en effet [pour parler comme eux] le côté droit a-t-il en dehors de ce qu’une personne se tient ou est assise ici, et une autre là[3] ? Il en est de même du haut ; le haut désigne de préférence telle partie de l’univers, et le bas telle autre partie[4].

À cette argumentation nous répondrons d’abord qu’il y a un certain mode d’existence dans les choses mêmes dont on vient de parler, mais que ce mode d’existence n’est point identique dans toutes ces choses[5], si on les considère soit les unes par rapport aux autres, soit chacune par rapport à l’un qui est dans toutes. Ensuite, nous allons réfuter un à un les arguments qui nous sont opposés.

XIII. D’abord, comment est-il raisonnable de soutenir que la notion du sujet un nous vient du sujet même [qui est en], de l’homme visible, par exemple, ou d’un autre animal,

  1. Les philosophes dont Plotin expose ici l’opinion sont évidemment les Péripatéticiens, probablement ceux qui avaient commenté la Métaphysique d’Aristote et dont Plotin faisait lire les écrits dans son école.
  2. Voy. ci-après la fin du § 13, p. 389.
  3. Voy. ci-dessus liv. I, § 6, p. 161.
  4. Voy. le passage d’Aristote cité ci-dessus p. 271, note 1.
  5. Sur les relatifs, Voy. ci-dessus liv. I, § 7, p. 162.