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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/486

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LIVRE SEPTIÈME.

bles. On peut donc dire que les sensations ici-bas sont des pensées obscures (ἀμυδραὶ νοήσεις), et que les pensées là-haut sont des sensations claires (ἐναργεῖς αἰσθήσεις).

VIII. Voilà ce que nous avions à dire sur la sensibilité. [Passons maintenant à l’autre question que nous avons posée.]

Comment se fait-il que tous les animaux qui sont (comme le cheval même) contenus dans l’Intelligence divine n’inclinent pas vers les choses d’ici-bas [en les engendrant] ? — Sans doute, pour engendrer ici-bas le cheval ou tout autre animal, l’Intelligence divine a dû en avoir la conception ; cependant il ne faut pas croire qu’elle ait eu d’abord la volonté de produire le cheval, puis la conception de cet animal. Évidemment, elle n’a pu vouloir produire le cheval que parce qu’elle en avait déjà la conception, et elle n’en a pas eu la conception parce qu’elle avait à le produire : ainsi, le cheval qui n’a pas été engendré a précédé le cheval qui devait être engendré postérieurement. Puisque le premier cheval est antérieur à toute génération et n’a pas été conçu pour être engendré, ce n’est pas parce que l’Intelligence divine incline vers les choses d’ici-bas ni parce qu’elle produit, qu’elle a en elle le cheval intelligible et les autres essences. Les intelligibles existaient déjà dans l’Intelligence [avant qu’elle engendrât] et les choses sensibles ont été engendrées ensuite par une conséquence nécessaire : car il était impossible que la procession s’arrêtât aux intelligibles. Qui en effet aurait arrêté cette puissance [de l’Intelligence] capable tout à la fois de procéder et de demeurer en soi[1] ?

Mais pourquoi ces animaux [privés de raison] existent-ils dans l’Intelligence divine ? On comprend que les êtres

  1. « Intellectus primus, fecunditate lucis exuberante, in quam plurimos seipsum intus naturaliter propagat radios ideales. Ex hac propagine intellectuali simul et naturali naturales rerum formæ foras tanquam lumina profluunt. » (Ficin.)