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SOMMAIRES.


En examinant l’origine de la multitude et celle de la grandeur, on voit que l’être devient multitude quand il s’épanche et qu’il s’étend en se divisant ; mais s’il y a encore quelque chose qui retienne ses parties unies entre elles, il devient grandeur. En devenant ainsi une multitude ou une grandeur, il perd de sa perfection et il a besoin de recevoir la forme de la beauté.

(II-III) Quant à l’infini, considéré comme l’absence de toute détermination, il ne saurait se trouver ni dans les nombres sensibles, ni dans les nombres intelligibles. On le conçoit en faisant abstraction de toute forme. Alors il apparaît comme impliquant les contraires, comme étant à la fois grand et petit, etc.

(IV-V) On peut se demander si les nombres sont inhérents aux autres formes intelligibles (aux idées), ou s’ils sont de toute éternité les conséquences de l’existence de ces formes. — La première hypothèse est fausse : Les nombres ont une existence substantielle, et la variété des objets sensibles rappelle seulement à l’âme la notion des nombres. — Quant à la seconde hypothèse, qui fait de chaque nombre un aspect d’une essence, elle n’est pas moins fausse que la première. Pour que le nombre existe dans un être à titre d’accident, il faut d’abord qu’il existe par lui-même.

(VI) Pour concevoir le mode d’existence qui est propre aux nombres intelligibles, il est nécessaire de bien se pénétrer de cette vérité que l’intelligible n’existe pas parce qu’il est pensé par l’intelligence, mais qu’il est pensé par l’intelligence seulement parce qu’il existe en elle, qu’il constitue en elle une certaine disposition, un acte d’une nature déterminée.

(VII-VIII) Il résulte de là que les intelligibles existent tous dans une Essence unique qui les embrasse. L’Intelligence divine les voit en elle-même, non parce qu’elle les considère, mais parce qu’elle les possède distincts en elle de toute éternité. Leur ensemble constitue l’Animal-même, qui est tout à la fois Être, Intelligence et Animal. C’est une puissance qui possède le plus haut degré de l’existence, de la pensée et de la vie. Or l’Être étant antérieur à l’Intelligence et à l’Animal, le Nombre en soi doit leur être également antérieur.

(IX) Sans doute si nous considérons l’ordre dans lequel se produisent nos conceptions, nous n’avons l’idée de deux, par exemple, qu’après avoir vu deux objets sensibles. Mais si nous examinons l’ordre de génération des choses, nous trouvons que l’Intelligence a dû penser les nombres avant d’engendrer les êtres. Le Nombre en soi est l’essence de l’Être ou son acte : il l’a divisé, et il lui a fait ainsi engendrer la multitude. On peut donc définir l’Être le nombre enveloppé ; les êtres, le nombre développé ; l’Intelligence, le nombre qui se meut en soi-même ; l’Animal, le nombre qui contient. Voilà pourquoi les Pythagoriciens disaient que les idées sont des unités et des nombres. Le Nombre essentiel, dont le nombre composé d’unités n’est que l’image, est contemplé dans les formes intelligibles et concourt à les engendrer ; d’un autre côté, il existe primitivement dans l’Être, et avec l’Être, et avant les êtres. L’Être a pour principe l’Un qui n’a point d’autre fondement que lui-même.

(X) Ainsi, l’Être est devenu Nombre quand il est devenu multitude, parce qu’il avait déjà en lui une sorte de préformation et de représentation des êtres qu’il était prêt à produire, qu’il offrait en lui aux unités une sorte de lieu pour