Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xli
SIXIÈME ENNÉADE, LIVRE VI.


les choses dont elles devaient être le fondement. C’est parce que le Nombre existe primitivement que les êtres produits sont tant ; c’est parce que chacun d’eux participe à l’Un qu’il est un. C’est enfin parce que le Nombre existe d’une existence substantielle que la raison le conçoit et s’en sert pour nombrer les objets.

Comme le Nombre est antérieur aux êtres, l’Un absolu l’est à l’Être absolu. Car si tout être a pour principe l’Être absolu, l’Être absolu lui-même est un, et il n’est un que parce qu’il participe de l’Un absolu.

(XI) Si l’on admet que l’existence et l’affirmation du caractère de l’unité dans un grand nombre d’objets supposent l’existence de l’Un absolu, il faut admettre également que l’affirmation et l’existence du caractère de la décade dans les objets supposent aussi l’existence de la Décade absolue, etc. De la sorte chaque être correspond à un nombre ; sinon, ou les choses n’existeraient pas, ou elles seraient dénuées de proportion et de raison.

(XII-XIII) Il y a contradiction à admettre l’existence de l’être parce qu’il produit une notion dans notre âme, et à nier l’existence de l’unité, en disant qu’elle n’est qu’un attribut des objets et une conception de l’âme : car elle produit également une notion dans notre âme. Or l’idée d’unité n’est pas produite en nous par le néant, mais par la rue de la réalité ; elle est d’ailleurs antérieure à celles d’autre, de différent, de multitude. En outre, nous affirmons qu’une maison est plus une qu’une armée ; puisqu’il y a plusieurs manières d’être un, il faut admettre aussi la réalité de l’unité, comme, si l’on accorde qu’il y a divers degrés dans l’être, on croit à sa réalité. Il est en effet impossible de rien penser, de rien énoncer sans admettre l’existence de l’unité et sans reconnaître qu’elle est nécessaire à celle de l’être : car point d’être qui ne soit un.

(XIV) L’unité n’est pas un relatif : car lorsqu’un corps cesse d’être un, il subit un changement réel, il est divisé sans perdre de sa masse. Sans doute, dans les choses sensibles, l’unité n’est qu’un accident ; mais, dans les choses intelligibles, elle existe en elle-même. — Quand on dit : voici deux objets ; ils sont deux non par leur séparation, non par leur rapprochement, mais seulement par la présence de la dyade, comme ils sont blancs par la présence de la blancheur. — Du reste, le nombre existe à des degrés divers selon qu’on le considère boit dans les quantités continues, soit dans les quantités discrètes, soit dans les intelligibles : c’est dans ceux-ci que l’on trouve les nombres véritables, qui existent en eux-mêmes.

(XV) L’Être universel est Être, Intelligence, Animal ; il contient tous les êtres, toutes les intelligences, tous les animaux ; il renferme en acte toutes les essences qui dans l’âme ne sont qu’en puissance et qui dans les choses sensibles jouent le rôle d’attributs. Comme il possède primitivement l’unité avant de se développer en multitude, il sait en combien d’essences il doit se diviser ; il engendre ainsi le Nombre qui subsiste en lui, et comme ce Nombre détermine la quantité des essences qui procèdent de l’Être, Il en est la source et le principe. Voilà pourquoi, même ici-bas, des nombres déterminés président à la génération de chaque chose. — Quant aux nombres qui subsistent dans les autres choses, en tant qu’ils procèdent des nombres intelligibles, ils peuvent être