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SIXIÈME ENNÉADE.

parce qu’elle est formée d’éléments complètement séparés les uns des autres. La véritable union consiste pour les choses à n’en former qu’une seule sans avoir entre elles aucune séparation. Or ici-bas les objets sont séparés les uns des autres.

XV[1]. Qui pourra donc contempler cette Vie multiple et universelle, première et une, sans être épris d’elle et sans mépriser toute autre espèce de vie ? Car ce sont de véritables ténèbres que ces vies d’ici-bas, vies faibles, impuissantes, incomplètes, dont l’impureté souille la pureté des autres vies. Dès que vous regardez ces vies impures, vous ne voyez plus les autres, vous ne vivez plus avec toutes ces vies dans lesquelles tout est vivant et affranchi de toute impureté, de tout contact du mal. En effet, le mal ne règne qu’ici-bas[2], où nous n’avons qu’un vestige de l’Intelligence et de la vie intelligible. Au contraire, dans le monde intelligible existe cet archétype qui possède la forme du Bien (τὸ ἀρχέτυπον τὸ ἀγαθοειδές (to archetupon to agathoeides)), comme le dit Platon[3], parce qu’il possède le Bien par les formes [par les idées]. Autre chose est en effet le Bien absolu, autre chose l’Intelligence, qui est bonne parce que sa vie consiste à contempler. Les objets que l’Intelligence contemple sont les essences qui ont la forme du Bien et qu’elle possède depuis le moment où elle a contemplé le Bien. Elle l’a reçu, non tel qu’il était en lui-même, mais tel qu’elle a pu le recevoir. Le Bien est en effet le principe suprême. L’Intelligence tient de lui sa perfection ; si elle a engendré tous les intelligibles, c’est à lui qu’elle le doit : d’un côté, elle ne pouvait considérer le Bien sans penser ; d’un autre côté, elle ne devait pas voir en lui les intelligibles ;

  1. Plotin aborde ici la seconde question indiquée dans le titre de ce livre : Du Bien.
  2. Voy. Enn. I, liv. VIII, § 6-7 ; t. II, p. 125-128.
  3. Voy. la République, liv. VI, p. 509, éd. H. Étienne.