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LIVRE SEPTIÈME.

autrement, elle ne les eût pas engendrés. Ainsi, l’Intelligence a reçu du Bien la puissance d’engendrer et de se remplir de ce qu’elle a engendré[1]. Le Bien ne possède pas lui-même les choses dont il a ainsi fait don : car il est absolument un, et ce qu’il a donné à l’Intelligence est multiple. Incapable d’embrasser dans sa plénitude et de posséder dans son unité la puissance qu’elle recevait, l’Intelligence l’a brisée en mille fragments et l’a rendue multiple pour la posséder au moins par parties. Ainsi, toutes les essences engendrées par l’Intelligence procèdent de la puissance qu’elle tient du Bien et elles en portent la forme ; comme l’Intelligence est bonne elle-même et qu’elle est composée de choses qui portent la forme du Bien, elle est un bien varié. Pour se la représenter, qu’on s’imagine une sphère variée et vivante, ou un composé de faces animées et brillantes ; ou bien qu’on se figure encore les âmes pures, parfaites et complètes dans leur essence, unies toutes ensemble par leur sommet, puis l’Intelligence universelle assise à ce sommet et illuminant toute la région intelligible. Nous supposons ici que celui qui se figure cette image la considère comme une chose placée hors de lui ; mais [pour contempler l’Intelligence], il faut devenir l’Intelligence, et se donner ensuite le spectacle de soi-même.

XVI. Au lieu de s’arrêter à cette beauté multiple, il faut la laisser pour s’élever au principe suprême [au Bien]. En raisonnant, non d’après la nature de notre monde, mais d’après celle de l’Intelligence universelle, on doit se demander avec étonnement quel est le principe qui l’a engendrée et comment il l’a engendrée[2]. Chacune des essences contenues dans l’Intelligence est une forme particulière, et a en quelque sorte son type propre (ἴδιος οἶον τύπος (idios oion tupon)). Leur caractère commun étant d’être conformes au

  1. Voy. ci-dessus, Enn. V, liv. I, § 7, p. 15-18.
  2. Voy. ci-dessus, Enn. V, liv. I, § 5, p. 11.