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LIVRE SEPTIÈME.

différence. Prenons pour exemple la raison [séminale] d’une plante ou celle d’un animal. Si elle n’est qu’une unité sans aucune espèce de variété, elle n’est même plus une raison ; ce qui en naîtra ne sera que matière. Il faut donc que cette raison contienne tous les organes, et qu’embrassant toute la matière elle n’en laisse aucune partie demeurer identique aux autres. Le visage, par exemple, ne forme pas une seule masse : il contient le nez, les yeux, etc. ; le nez de son côté n’est pas une chose simple : il comprend diverses parties par la variété desquelles il est un organe ; réduit à l’état d’unité absolument simple, il ne serait plus qu’une masse. Ainsi, l’Intelligence renferme l’infini, parce qu’elle est à la fois une et multiple, non comme l’est une maison, mais comme l’est une raison [séminale] intérieurement multiple. Elle contient donc en son sein une espèce de figure (de schème, σχῆμα (schêma)) ou bien de tableau, où se trouvent dessinées et circonscrites intérieurement ses puissances et ses pensées ; leur division ne se produit pas au dehors, elle est tout intérieure. De cette manière, l’Animal universel embrasse d’autres animaux, dans lesquels on découvre d’autres animaux encore plus petits, d’autres puissances encore moins grandes, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’on arrive à la forme individuelle[1] (εἶδος ἄτομον (eidos atomon)). Toutes ces formes sont distinguées les unes des autres par leur division, sans jamais avoir été confondues ensemble, quoiqu’elles concourent toutes à constituer une seule unité. Ainsi existe dans le monde intelligible cette union qu’on appelle amitié, mais cette union est bien différente de celle qui existe dans le monde sensible[2]. La seconde en effet n’est que l’image de la première,

  1. Voy. le liv. VII de l’Ennéade V : Y a-t-il des idées des individus ?
  2. Les expressions division et amitié font allusion à la doctrine d’Empédocle : « Dans le système d’Empédocle, la Discorde divise et la Concorde unit. » (Enn. V, liv. I, § 9 ; p. 20.)