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SIXIÈME ENNÉADE.

Bien, il en résulte que l’intelligence contient toutes les choses conformes au Bien. Elle possède donc l’être qui est dans toutes choses ; elle contient tous les animaux, ainsi que la vie universelle qui se trouve en eux, et tout le reste.

Pour quelle raison faut-il regarder ces choses comme des biens, quand on les considère sous ce point de vue ? — La solution de cette question se déduit des réflexions suivantes. Quand l’Intelligence a regardé le Bien pour la première fois, n’a-t-elle pas rendu multiple son unité en la pensant ? Quoiqu’elle fût elle-même un être un, n’a-t-elle pas divisé cette unité en la pensant par suite de l’impossibilité où elle était de l’embrasser tout entière ? — Mais quand elle a regardé le Bien pour la première fois, elle n’était pas encore intelligence. — Est-ce donc qu’elle regardait le Bien sans intelligence ? — Elle ne le voyait pas encore ; mais elle vivait près de lui, elle lui était suspendue, elle était tournée vers lui[1]. Étant arrivé à sa plénitude, parce qu’il s’opérait là haut et qu’il se portait vers le Bien, le mouvement de l’Intelligence l’a conduite elle-même à sa plénitude ; dès lors il a été, non plus un simple mouvement, mais un mouvement parfait et complet. Il est devenu toutes choses, et, en ayant conscience de lui-même il a connu qu’il était en effet toutes choses. Il est devenu ainsi l’Intelligence, qui possède la plénitude afin de contenir ce qu’elle doit voir, et qui voit par la lumière qu’elle reçoit de Celui dont elle tient ce qu’elle voit. C’est pourquoi l’on dit que le Bien est non-seulement la cause de l’essence, mais encore la cause de l’intuition de l’essence. Comme le soleil est pour les choses sensibles la cause qui les fait exister et les rend visibles, comme il est aussi la cause de la vision, et qu’il n’est cependant ni la vision ni les choses visibles ; de même, le Bien est la cause de l’Essence et de l’Intelligence[2] ; il est une lumière en rapport avec les

  1. Voy. ci-dessus, Enn. V, liv. I, p. 15-16.
  2. Voy. Platon, République, liv. VI, p. 509, éd. H. Étienne.