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LIVRE SEPTIÈME.

essences est Celui qui est leur principe : elles ne lui servent pas de fondement ; c’est lui au contraire qui est le fondement de la Forme des formes sans avoir lui-même de forme. L’Intelligence joue à l’égard de l’Âme le rôle que le Premier joue à son propre égard : elle verse sur l’Âme sa lumière, et, pour la déterminer, elle la rend raisonnable en lui communiquant ce dont elle est elle-même le vestige. L’Intelligence est donc le vestige du Premier, et tandis qu’elle est une forme qui se développe en pluralité, le Premier n’a aucune espèce de forme (ἄμορφος ϰαὶ ἀνείδεος (amorphos kai aneideos)), afin de donner la forme à tout le reste. S’il était lui-même une forme, l’Intelligence ne serait plus que la Raison [l’Âme][1]. Il fallait donc que le Premier ne renfermât aucune multiplicité ; sinon, sa multiplicité aurait dû être elle-même rapportée à un principe supérieur.

XVIII. Sous quel rapport les essences que contient l’Intelligence paraissent-elles avoir la forme du Bien ? Est-ce parce que chacune d’elles est une forme, ou parce que chacune est belle, ou bien pour quelque autre raison ? — Tout ce qui procède du Bien en porte le caractère ou l’empreinte, ou a du moins quelque chose qui en provient, comme ce qui naît du feu en a un vestige, comme ce qui vient du doux en offre la trace[2]. Or ce qui passe du Bien dans l’Intelligence, c’est la vie (car c’est de l’acte du Bien qu’est née la vie, c’est par le Bien qu’existe l’Intelligence, c’est de lui que procède la beauté des idées). Donc toutes ces choses, la Vie, l’Intelligence, l’Idée, porteront la forme du Bien.

Mais qu’y a-t-il de commun en elles ? Il ne suffit pas qu’elles procèdent du Bien pour avoir toutes quelque chose d’identique ; il faut encore qu’il y ait en elles un caractère commun : car d’un même principe peuvent provenir des choses différentes, ou bien encore une seule et même chose peut devenir différente en passant du principe qui la donne

  1. Voy. ci-dessus Enn. V, liv. I, § 4, p. 8.
  2. Voy. Enn. V, liv. I, § 6, p. 14.