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SIXIÈME ENNÉADE.

manque de forme, l’essence et la destruction, la consistance et le défaut de consistance ? Qui pourrait hésiter à attribuer à la forme du bien les caractères qui constituent le premier membre de chacune de ces oppositions ? — S’il en est ainsi, il faudra rapporter aussi au bien les causes efficientes de ces caractères : car la vertu, la vie, l’intelligence et la sagesse sont comprises dans la forme du bien, comme étant les choses que désire l’âme qui est sage.

Pourquoi donc, dira-t-on, ne pas nous arrêter à l’intelligence et y placer le bien ? Car l’âme et la vie sont des images de l’intelligence. C’est à l’intelligence que l’âme aspire, c’est d’après elle qu’elle juge, c’est sur elle qu’elle se règle, en prononçant que la justice est meilleure que l’injustice, en préférant chaque espèce de vertu à chaque espèce de vice, et en estimant davantage ce qu’elle regarde comme préférable. — Mais l’âme n’aspire pas à l’intelligence seule[1]. Comme on peut le démontrer par une longue discussion, l’intelligence n’est pas le but suprême auquel nous aspirons, et tout n’aspire pas à l’intelligence, tandis que tout aspire au bien ; les êtres qui ne possèdent pas l’intelligence ne cherchent pas tous à la posséder, tandis que ceux qui possèdent l’intelligence ne s’y arrêtent pas ; l’intelligence n’est recherchée que par suite d’un raisonnement, tandis que le bien est désiré même avant que la raison s’exerce. Si l’objet du désir est de vivre, d’exister toujours et d’agir, cet objet n’est point désiré en tant qu’il est intelligence, mais en tant qu’il est bien, qu’il a le bien pour principe et pour fin : car c’est seulement sous ce rapport que la vie est désirable.

XXI. Quelle est donc la chose une et identique dont la présence dans la Vie, l’Intelligence et l’Idée fait que ce sont des biens ? — Ne craignons pas de le dire : l’Intelligence et la

  1. Plotin semble combattre ici la doctrine d’Aristote qui dans sa Métaphysique identifie l’intelligence avec le bien suprême.