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LIVRE SEPTIÈME.

acte[1] en admettant même qu’ils voient toujours. — Dieu, dit-on, est en acte, en ce sens qu’il est acte et pensée[2]. — Mais, étant la pensée même, il ne doit pas penser, comme le mouvement même ne doit pas se mouvoir[3]. — Cependant ne dites-vous pas vous-mêmes que Dieu est essence et acte ? — Selon nous, l’essence et l’acte sont choses multiples et différentes, tandis que le Premier est simple. C’est seulement au principe qui procède du Premier qu’il appartient de penser, de saisir son essence, de se saisir lui-même, ainsi que Celui qui l’a fait ; c’est en se tournant vers lui dans la contemplation et en le connaissant qu’il arrive à mériter vraiment le nom d’Intelligence. Quant au Principe qui n’a pas été engendré, qui n’a rien au-dessus de lui, qui est éternellement ce qu’il est, quelle raison pourrait-il avoir de penser ?

C’est pourquoi Platon dit avec raison que le Bien est au-dessus de l’Intelligence[4]. L’intelligence qui ne penserait pas cesserait d’être intelligente : car le principe dont la nature est de penser cesse nécessairement d’être intelligent s’il ne pense pas. Mais au Principe qui n’a point de fonction on ne peut assigner une fonction, et venir ensuite, parce qu’il ne la remplit pas, l’accuser de ne rien faire ; ce serait comme si on lui reprochait de ne pas posséder l’art de guérir. Or, on ne doit assigner au Premier aucune fonction, parce qu’il n’y en a aucune qui lui convienne. Il suffit, et il n’y a rien à chercher

  1. Voy. Enn. IV, liv. VI, § 3 ; t. II, p. 430. Ce passage est cité par Nicéphore Grégoras, Histoire de Constantinople, liv. XXII, p. 688, éd. de Paris.
  2. Voy. le passage cité ci-dessus, p. 480, note 3.
  3. « Le principe des êtres, l’être premier, n’est, selon nous, susceptible d’aucun mouvement, ni essentiel, ni accidentel, et c’est lui qui imprime le mouvement premier, mouvement éternel et unique. » (Aristote, Métaphysique, liv. XII, chap. 8 ; trad. fr., t. II, p. 226.)
  4. Nous lisons : διὸ ὑπέρ νοῦν (dio huper noun), que Creuzer propose dans ses notes (t. III, p. 395), au lieu de : διόπερ νοῦν (dioper noun), dont le sens est en contradiction avec tout ce passage. Cette phrase est citée en abrégé par Nicéphore Grégoras, Histoire de Constantinople, liv. XXII, p. 552.