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SIXIÈME ENNÉADE.

acte et la première pensée, cette Pensée n’a ni acte ni pensée au-dessus d’elle. Donc, en s’élevant au-dessus de cette Essence et de cette Pensée, on ne rencontrera plus au delà une autre essence ni une autre pensée ; mais on arrivera au Principe supérieur à l’essence et à la pensée, Principe admirable, qui n’a en lui ni pensée ni essence, qui habite solitaire en lui-même et n’a nul besoin des choses qui procèdent de lui. Il n’a pas agi d’abord, puis engendré un acte [il n’a pas commencé par penser pour engendrer ensuite la Pensée] ; sinon, il aurait pensé avant que la Pensée fût née. En un mot la Pensée, étant la pensée du Bien, est au-dessous de lui, par conséquent elle ne lui appartient pas. Je dis : ne lui appartient pas, non que je nie que le Bien puisse être pensé (car je l’admets), mais parce que la Pensée ne saurait exister dans le Bien ; sinon, le Bien et ce qui est au-dessous du Bien (c’est-à-dire la pensée du Bien) ne feraient qu’un. Or, si le Bien est une chose inférieure, il sera à la fois la Pensée et l’Essence ; si au contraire le Bien est supérieur à la Pensée, il doit l’être également à l’Intelligible[1].

Puis donc que la Pensée n’existe pas dans le Bien, qu’elle est au contraire inférieure au Bien et qu’elle doit ainsi en vénérer la majesté, elle constitue un principe différent, et elle laisse le Bien pur et dégagé d’elle comme des autres choses. Indépendant de la Pensée, le Bien est sans mélange ce qu’il est. La présence de la Pensée ne l’empêche pas d’être pur et un. Si l’on suppose que le Bien est à la fois sujet pensant et objet pensé, Essence et Pensée unie à l’Essence, si on le fait ainsi se penser lui-même[2], il aura besoin d’une autre chose, et cette chose sera au-dessus de lui. Comme l’Acte et la Pensée sont le complément ou l’hypostase consubstantielle d’un autre sujet, la Pensée suppose au-dessus d’elle une autre nature à laquelle elle doit le

  1. Voy. ci-dessus Enn. V, liv. III, § 13, p. 55.
  2. Ceci se rapporte à l’opinion d’Aristote. Voy. ci-dessus, p. 480, note 3.