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LIVRE SEPTIÈME.

XL. Que la pensée ne puisse convenir au Premier principe, c’est ce que savent ceux qui se sont élevés jusqu’à lui[1]. Ajoutons cependant quelques raisons à ce que nous avons déjà dit (si toutefois la parole peut ici exprimer notre idée) : car il faut à la persuasion joindre une démonstration rigoureuse[2].

Remarquons d’abord que toute pensée est dans un sujet et provient d’un objet. Celle qui est unie à l’objet dont elle provient a pour sujet l’être auquel elle appartient ; inhérente à lui, elle est son acte, elle complète sa puissance, sans cependant rien engendrer elle-même : car elle appartient au sujet seul dont elle est le complément. La Pensée qui est unie à l’Essence et qui la fait subsister ne saurait être dans l’objet dont elle provient : car étant en lui, elle n’eût rien engendré. Or, ayant la puissance d’engendrer, elle a engendré en elle-même[3] : elle a pour acte l’Essence et elle lui est unie. Ainsi la Pensée n’est pas une chose différente de l’Essence ; en tant que cette nature se pense elle-même, elle ne se pense pas comme étant une chose différente : car la seule multiplicité qu’il y ait en elle est celle qui résulte de la distinction logique du sujet intelligent et de l’objet intelligible, comme nous l’avons souvent montré. C’est là le premier acte qui a engendré une hypostase en constituant l’Essence ; et cet acte est l’image d’un principe si grand qu’il est devenu lui-même Essence. Si la Pensée appartenait au Bien au lieu d’en provenir, elle ne serait qu’un attribut, elle ne serait pas une hypostase en elle-même. Étant le premier

  1. Voy. la même pensée, Enn. III, liv. IX, n° 6 ; t. II, p. 245.
  2. Voy. la même pensée ci-dessus, liv. V, § 11, p. 359.
  3. Ficin commente ce passage en ces termes : « Actionem omnem et alicujus existere et versari circa aliquid aliud Plotinus arbitratur ; mox intelligentiam esse vult actionem ; deinde essentiam existimat actionis et intelligentiæ fundamentum. Merito igitur actionem, intelligentiam Principio negat, quod quidem neque subest actui, neque circa aliud ullo modo versatur. »