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LIVRE HUITIÈME.

le libre arbitre ? Est-ce à l’appétit et au désir, à la colère et à la concupiscence, par exemple ? Ou bien est-ce à la raison appliquée à la recherche de l’utile et accompagnée du désir ? Si c’est à la colère et à la concupiscence[1], nous serons alors obligés d’accorder le libre arbitre aux brutes, aux enfants, aux hommes furieux, aliénés, égarés par des charmes magiques ou par les suggestions de l’imagination, quoique nul d’entre eux ne soit maître de lui. Si c’est à la raison accompagnée du désir[2], est-ce à la raison lors

    sonne n’a le bonheur que donne la vertu contre son gré ; mais le vice est volontaire. » (Aristote, Morale à Nicomaque, liv. iii, chap. 2, 6 ; trad. fr., t. II, p. 8, 28.)

  1. « Évidemment d’abord, l’intention [ou préférence réfléchie] ne se confond pas avec l’appétit : car elle serait alors ou volonté, ou désir, ou colère, puisque l’appétit suppose toujours que l’on a éprouvé l’une ou l’autre de ces impressions. La colère et le désir appartiennent aussi aux animaux eux-mêmes, tandis que l’intention ne leur appartient jamais. De plus, les êtres mêmes qui réunissent ces deux facultés font avec intention une foule d’actes où la colère et le désir n’entrent pour rien ; et quand ils sont emportés par le désir ou la passion, ils n’agissent plus par intention, ils sont purement passifs. » (Aristote, Morale à Eudème, liv. ii, chap. 10 ; trad. fr., t. III, p. 288.)
  2. « L’intention n’étant ni le jugement, ni la volonté séparément, et n’étant pas non plus les deux pris ensemble (car l’intention ne se produit jamais instantanément, tandis qu’on peut juger sur-le-champ qu’il faut agir et vouloir à l’instant même), il reste qu’elle soit composée de deux éléments réunis dans une certaine mesure, tous les deux se retrouvant dans tout autre acte d’intention. Mais il faut examiner de près comment l’intention peut se composer du jugement et de la volonté. Bien que le mot lui-même nous l’indique déjà en partie, l’intention, qui, entre deux choses, préfère l’une à l’autre, est une tendance à choisir, un choix non pas absolu, mais le choix d’une chose qu’on place avant une autre chose. Or ce choix n’est pas possible sans un examen et sans une délibération préalables. Ainsi, l’intention, la préférence réfléchie, vient d’un jugement qui est accompagné de volonté et de délibération… Il s’ensuit évidemment que l’intention ou la préférence est un appétit, un instinct capable de délibérer sur des choses