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SIXIÈME ENNÉADE.

même qu’elle est égarée, ou seulement à la droite raison et au désir droit[1] ? On peut demander aussi à ce sujet si la raison est mise en mouvement par le désir ou le désir par la raison[2]. Car, en admettant que les désirs soient conformes à la nature, il faut encore établir une distinction : s’ils appartiennent à la partie animale, au composé, l’âme obéira à la nécessité de la nature ; s’ils appartiennent à l’âme seule, il faudra retrancher du domaine de notre libre arbitre beaucoup des choses qu’on lui attribue. En outre, quelque raisonnement abstrait précède les passions. Enfin, comment l’imagination même, qui nous contraint, et le désir, qui nous entraîne où la nécessité l’exige, peuvent-ils nous rendre maîtres de nous[3] ? Comment pouvons-nous l’être en géné-

    qui dépendent de nous… J’appelle capable de délibérer cette faculté dont la délibération est le principe et la cause, et qui fait que l’on désire une chose parce que l’on a délibéré. Ceci nous explique pourquoi l’intention, accompagnée de préférence, ne se rencontre pas dans les autres animaux, et pourquoi l’homme lui-même ne l’a ni à tout âge, ni dans toute circonstance. » (Aristote, Morale à Eudème, liv. II, chap. 10 ; trad. fr., t. III, p. 294.)

  1. La vertu est l’instinct naturel vers le bien guidé par la raison. » (Aristote, Grande Morale, liv. I, chap. 32 ; trad. fr., t. III, p. 110.) « Les vertus dépendent de nous, sont volontaires, et doivent s’exercer comme la droite raison le prescrit. » (Aristote, Morale à Nicomaque, liv. III, chap. 6 ; trad. fr., t. II, p. 35.)
  2. « L’objet de notre préférence, sur lequel nous délibérons et que nous désirons, étant toujours une chose qui dépend de nous, on pourra définir l’intention ou préférence le désir réfléchi et délibéré des choses qui dépendent de nous seuls : car nous jugeons après avoir délibéré ; et ensuite, nous désirons l’objet d’après notre délibération et notre résolution volontaire. (Aristote, Morale à Nicomaque, liv. III, chap. 4 ; trad. fr., t. II, p. 24)
  3. Plotin discute ici la théorie d’Aristote sur la volonté : « Les deux causes de la locomotion, ce sont l’intelligence et l’appétit. Et j’entends ici l’intelligence qui calcule, en vue de quelque but, » l’intelligence pratique ; elle diffère de l’intelligence spéculative par la fin qu’elle se propose. Tout appétit tend à quelque objet ; et la chose dont il y a appétit devient précisément le principe de