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LIVRE HUITIÈME.

ral quand nous sommes entraînés ? Celle de nos facultés qui cherche nécessairement à satisfaire ses besoins n’est pas maîtresse des choses auxquelles elle est forcée de se porter[1]. Comment attribuer le libre arbitre à ce qui dépend d’une autre chose, qui a dans cette chose le principe de ses propres déterminations, qui tient d’elle ce qu’il est, puisqu’il règle sur elle sa vie, qu’il vit d’après la disposition qu’il en a reçue ? Il faudrait alors accorder le libre arbitre même aux choses inanimées : car le feu aussi agit d’après la nature qu’il a reçue.

Veut-on établir ici une distinction fondée sur ce que l’animal et l’âme n’agissent pas sans le savoir ? S’ils le savent parla simple sensation, en quoi la sensation contribue-t-elle au libre arbitre ? car la sensation, se bornant à percevoir, ne rend maître de rien l’être qui sent[2]. S’ils le savent

    l’intelligence pratique ; le but final est le principe de l’action. C’est donc, ce semble, avec bien de la raison qu’on peut regarder ces deux facultés, l’appétit et la pensée pratique, comme les causes de la locomotion. L’objet désiré produit le mouvement ; et par là, la pensée aussi le produit, parce que c’est l’objet désiré qui est son principe. L’imagination même, quand elle meut l’animal, ne le meut pas sans l’appétit. Ainsi donc, c’est l’objet de l’appétit qui seul est ce qui détermine le mouvement : car s’il y avait deux causes de mouvement, l’intelligence et l’appétit, elles produiraient toutes deux le mouvement selon une forme commune. Mais, loin de là, l’intelligence, dans l’état actuel des choses, ne semble pas pouvoir déterminer le mouvement sans l’appétit : car la volonté aussi est un appétit, et quand l’être se meut par suite d’un raisonnement, c’est encore avec la volonté qu’il se meut. L’appétit, au contraire, le meut souvent contre le raisonnement : car le désir n’est qu’une sorte d’appétit. » (Aristote, De l’Âme, liv. III, chap. 10 ; trad. de M. Barthélemy-Saint-Hilaire, p. 332.)

  1. « L’intelligence a beau donner ses ordres, la pensée a beau dire qu’il faut fuir ou rechercher telle chose, l’être cependant ne se meut pas ; il n’agit que suivant sa passion, comme l’intempérant qui ne sait point se dominer. » (Aristote, De l’Âme, liv. III, chap. 9 ; trad. fr., p. 329.)
  2. Voy. Aristote, Grande Morale, liv. I, chap. 17.