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LIVRE HUITIÈME.

y avait en lui quelque chose de contingent, il serait lui-même contingent ; or l’Être ne saurait être contingent ; ce n’est point fortuitement qu’il est ce qu’il est ; il ne tient pas non plus d’autrui d’être ce qu’il est, parce que la nature de l’Être est d’être l’Être. S’il en est ainsi, comment Celui qui est au-dessus de l’Être serait-il conçu comme étant d’une manière fortuite ce qu’il est ? Car il a engendré l’Être, et l’Être n’est point d’une manière fortuite ce qu’il est, puisqu’il existe de la même manière que l’Essence, laquelle est ce qu’est l’Essence et ce qu’est l’Intelligence (sans cela on pourrait dire aussi que l’Intelligence est contingente, comme si elle aurait pu être autre chose que ce qu’est sa nature). Ainsi, ce qui ne sort pas de soi, ce qui n’incline pas vers quoi que ce soit, est par excellence ce qu’il est.

Que dira donc celui qui s’élèvera au-dessus de l’Être et de l’Intelligence et qui contemplera leur principe ? Pensera-t-il, en le voyant, que ce qu’il le voit être est contingent ? Non certes. Ce qu’est le Premier n’est point contingent il n’est contingent absolument d’aucune manière. Il est seulement ainsi [qu’il est] ; il n’est pas autrement, mais il est ainsi (οὕτως (houtôs)). Encore le terme même ainsi est-il impropre : car, en l’appliquant au Premier, on le déterminerait et l’on ferait de lui telle chose (τόδε τι (tode ti)). Quand vous avez eu l’intuition du Premier, ne dites pas qu’il est ou qu’il n’est pas cela ; sinon, vous le ferez descendre au nombre des choses dont on dit qu’elles sont ceci ou cela ; or le Premier est au-dessus de toutes ces choses. Quand vous aurez vu Celui qui est infini (ἀόριστον (aoriston)), vous pourrez nommer les choses qui sont après lui ; mais ne le mettez pas au nombre de ces choses. Regardez-le comme la Puissance universelle véritablement maîtresse d’elle-même (δύναμις πάσα αὑτῆς ὄντως ϰυρία (dunamis pasa hautês ontôs kuria)), qui est ce qu’elle veut, ou plutôt, qui a projeté sur les êtres ce qu’elle veut (ὂ θέλει ἀπορρίψασα εἰς τὰ ὄντα (ho thelei aporripsasa eis ta onta)), mais qui est plus grande que toute volonté et qui place le vouloir au-dessous