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LIVRE NEUVIÈME.

mais elle est véritablement présente à elle-même ; elle ne se démembre point, parce qu’elle est voisine de l’Un, quoiqu’elle ait osé s’éloigner de lui[1]. — Ce qui est au-dessus de l’Intelligence, c’est l’Un même, merveille incompréhensible, dont on ne peut dire même qu’il est être, pour ne point faire de lui l’attribut d’une autre chose, et auquel aucun nom ne convient véritablement. S’il faut cependant le nommer, on peut convenablement l’appeler en général l’Un, mais en comprenant bien qu’il n’est pas d’abord quelque autre chose, et ensuite un. C’est pour cela que l’Un est si difficile à connaître en lui-même ; il est plutôt connu par ce qui naît de lui, c’est-à-dire par l’Essence, parce que l’intelligence conduit à l’Essence. La nature de l’Un est en effet d’être la source des choses excellentes, la puissance qui engendre les êtres, tout en demeurant en elle-même, sans éprouver aucune diminution, sans passer dans les êtres auxquels elle donne naissance[2]. Si nous appelons ce principe l’Un, c’est pour nous le désigner les uns aux autres en nous élevant à une conception indivisible et en amenant notre âme à l’unité. Mais, quand nous disons que ce principe est un et indivisible, ce n’est pas dans le même sens que nous le disons du point [géométrique] et de la monade [de l’unité arithmétique] : car ce qui est un de la manière dont le sont le point et la monade est principe de quantité et n’existerait point s’il n’y avait avant lui l’Essence et le Principe qui est encore avant

  1. Sur cette expression, Voy. notre t. II, p. 1, note.
  2. Voy. ci-dessus liv. VIII, § 11, p. 515. Ce passage est cité et commenté par le P. Thomassin : « Ut ipsum Primum, ut ipsum Unum quod supra mentem est, attingat et fruatur mens, opus est ut conscendat tota in principium, in primum, in unum sui. Nam et summus Deus ea imprimis ratione ipsum Unum vocatur, non quod unum proprie sit, sed quod tum maxime illum contingat mens nostra, quum, a multitudine et dispersione sese recolligens, in unum se totam conglobat. » (Dogmata theologica, t. I, p. 338.)