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SIXIÈME ENNÉADE.

reconnaîtra pas son père. Mais celui qui aura appris à se connaître lui-même connaîtra en même temps d’où il vient[1].

VIII. Si quelque âme s’est connue dans un autre temps, elle sait que son mouvement naturel n’est pas en ligne droite (à moins d’avoir subi quelque déviation), mais qu’il se fait en cercle autour de quelque chose d’intérieur, autour d’un centre. Or le centre, c’est ce dont procède le cercle [qui est l’âme[2]]. L’âme se mouvra donc autour de son centre, c’est-à-dire autour du principe dont elle procède, et, se portant vers lui, elle s’attachera à lui, comme devraient le faire toutes les âmes. Les âmes des dieux se portent toujours vers lui, et c’est là ce qui fait qu’ils sont dieux : car quiconque est attaché au centre [de toutes les âmes] est vraiment dieu[3] ; quiconque s’en éloigne beaucoup est un homme qui est resté multiple [qui n’a pas été ramené à l’unité], ou est une brute[4].

    toujours ancienne et toujours nouvelle, ô fontaine de chastes délices, ô vie pure et bienheureuse de tous ceux qui vivent véritablement, s’ils vous cherchaient au dedans d’eux-mêmes ! Mais les impies ne vous perdent qu’en se perdant eux-mêmes, etc. » (De l’existence de Dieu, 1re partie, fin.)

  1. Voy. Enn. IV, liv. III, § 1 ; t. II, p. 261-262. Fénélon dit aussi, dans le morceau tout platonicien que nous venons de citer : « Parce que vous êtes trop au dedans d’eux-mêmes, où ils ne rentrent jamais, vous leur êtes un Dieu caché : car ce fond intime d’eux-mêmes est le lieu le plus éloigné de leur vue, dans l’égarement où ils sont. »
  2. Voy. Enn. t. II, liv. ii, § 2, t. I, p. 162 ; « S’il en est ainsi, l’âme se meut autour de Dieu, l’embrasse, s’y attache de toutes ses forces : car toutes choses dépendent de ce principe ; mais comme elle ne peut s’y unir, elle se meut autour de lui, etc. Porphyre dit aussi : « L’âme ressemble à une source qui, au lieu de s’écouler au dehors, reflue circulairement en elle-même » (Principes de la théorie des intelligibles, § xxxii, p. lxxii de notre tome I.)
  3. Cette phrase rappelle un célèbre passage de Platon : « Le chef suprême, Jupiter, s’avance le premier, conduisant son char ailé, ordonnant et gouvernant toutes choses, etc. » (Phèdre, trad. de M.  Cousin, t. VI, p. 49.)
  4. Voy. dans Platon le début du livre IX de la République.