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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS.


aimable en lui-même constitue une sorte d’intelligence… Il ne faut pas craindre d’admettre que l’acte premier n’a point d’essence, mais il faut considérer l’acte de Dieu comme étant son existence même (ὑπόστασις (hypostasis).) Si l’on séparait en lui l’existence d’avec l’acte, le Principe parfait par excellence serait incomplet et imparfait… Puisqu’avant tous les temps il était ce qu’il est, il faut, lorsqu’on dit qu’il s’est fait lui-même, entendre qu’avoir fait et lui-même sont inséparables : car son être (εἶναι (einai)) est identique à son acte créateur (τῇ ποιήσει (tê poiêsei)), et si je puis m’exprimer ainsi à sa génération éternelle (γεννέσει ἀΐδίῳ (gennêsei aidiô). » (T. III, p. 507, 522-523, 531-532.)

De ces passages, il résulte que Plotin entend par l’hypostase l’existence substantielle. Quoique ce sens ait de l’analogie avec celui que les Pères de l’Église donnent à ce mot, il y a cependant une différence essentielle à cause de la distinction qu’ils établissent entre l’essence et l’hypostase, qu’ils nomment aussi personne. Nous nous bornerons à citer ici deux passages, l’un de saint Basile, l’autre de saint Augustin, pour éclaircir ce point :

Ἐπεί οὖν τὸ μέν τι ϰοινὸν ἐν τῇ ἁγια τριάδι, τὸ δέ ἰδιάζον ὁ λόγος ἐνεθεώρησεν, ὁ μέν τῆς ϰοινότητος λόγος εἰς τὴν οὐσίαν ἀνάγεται, ἡ δὲ ὑπόστασις τὸ ἰδιάζον ἐϰάστου σημεῖόν ἐστι (Epei oun to men ti koinon en tê hagia triadi, to de idiazon ho logos enetheôrêsen, ho men tês koinotêtos logos eis tên ousian anagetai, hê de hypostasis to idiazon hekastou sêmeion esti). (Saint Basile, Lettre XXXVIII ; t. III, p. 120, éd. Garnier.)

« Puisque nous avons reconnu qu’il y a dans la sainte Trinité quelque chose de commun et quelque chose de particulier, ce qui est commun constitue l’essence (ou la substance), et l’hypostase (ou la personne) est le caractère particulier de chacun. »

« Essentiam dico, quæ οὐσία (ousia) græce dicitur, quam usitatius substantiam vocamus. Dicunt quidem et illi hypostasim ; sed nescio quid volunt interesse inter usiam et hypostasim ; ita ut plerique nostri qui hæc græco tractant eloquio dicere consueverint μίαν ούσίαν τρεῖς ὑποστάσεις (mian ousian, treis hupostaseis), quod est latine unam essentiam, tres substantias. Sed quia nostra loquendi consuetudo jam obtinuit ut hoc intelligatur quum dicimus essentiam quod intelligitur quum dicimus substantiam, non audemus dicere unam essentiam, tres substantias, sed unam essentiam vel substantiam, tres autem personas[1]. » (S. Augustin, De Trinitate, V, 9.)

Il y a donc cette différence entre Plotin et les Pères de l’Église que ceux-ci distinguent l’hypostase de l’essence tandis que Plotin les confond. Cette différence tient à ce que les trois personnes de

  1. Voy. dans notre tome I (p. 322) un passage important de saint Augustin sur la différence qui existe entre la Trinité chrétienne et la Trinité néoplatonicienne. Voy. encore ci-après l’opinion de S. Cyrille, p. 626.