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CINQUIÈME ENNÉADE, LIVRE I.


la Trinité chrétienne sont égales et consubstantielles, tandis que les trois hypostases admises par les Néoplatoniciens sont évidemment inégales, quoique dans quelques passages Plotin s’exprime en parlant du Verbe presque dans les mêmes termes que les Pérès de l’Église[1].

II. Troisième hypostase, l’âme universelle. L’essence de l’Âme universelle (ἡ ψυχὴ τοῦ παντὸς (hê psuchê tou pantos)) est intermédiaire entre l’essence divisible des corps et l’essence indivisible de l’Intelligence : elle est divisible, parce qu’elle anime toutes les parties de l’univers ; elle est indivisible, parce qu’elle est tout entière dans tout l’univers et dans chacune de ses parties (t. II, p, 256, 259). Elle possède donc l’ubiquité, et elle est à la fois une et infinie (t. III, p. 304-340).

L’Âme constitue le monde de la vie (ὁ τῇς ζωῆς ϰόσμος (ho tês zôês kosmos)), parce qu’elle fait participer tous les corps à l’existence (t. III, p. 330). À ce titre, elle renferme en son sein toutes les essences vivantes, distinctes d’elle chacune, mais non séparées (t. III, p. 332). C’est de cette manière que toutes les âmes ne forment qu’une seule Âme, tout en conservant leur individualité et leur liberté (t. II, p. 263-282, 494-502, 516-517). C’est également de cette manière que s’explique la sympathie qui unit toutes les parties de l’univers (t. II, p. 379-407).

Par sa procession, l’Âme est descendue dans le corps de l’univers, c’est-à-dire lui a communiqué la vie (t. II, p. 284-298, 482493). Considérée à ce point de vue, elle comprend deux parties analogues aux deux parties de l’âme humaine (qui sont l’âme raisonnable et l’âme irraisonnable), savoir la Puissance principale de l’Âme et la Puissance naturelle et génératrice (ou la Nature). — 1° La Puissance principale de l’Âme contemple l’Intelligence divine et conçoit les idées ou formes pures, dont l’ensemble constitue le monde intelligible (t. I, p. 191-193 ; t. II, p. 217-218). — 2° La Puissance naturelle et génératrice reçoit de la Puissance principale de l’Âme les idées sous la forme de raisons séminales, dont l’ensemble constitue la Raison totale de l’univers (t. I, p. 182-184 ; t. II, p. 396). Comme la raison séminale de chaque individu comprend tous les modes de l’existence du corps qu’elle anime, et que la Raison totale de l’univers comprend les raisons séminales de tous les individus, il en résulte que l’Âme contient et administre l’univers par la Raison, c’est-à-dire fait arriver à l’existence et développe successivement dans le monde sensible toutes les raisons séminales contenues et

  1. Voy. notamment Enn. V, liv. I, § 6 ; t. III, p. 15, et note 1.