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NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS

les formes se trouvent dans la Volonté dans la plus grande perfection et la plus grande régularité possible, et il faut qu’elles soient de même plus parfaites dans tout ce qui est plus près d’elles, jusqu’à ce qu’elles arrivent à l’extrémité inférieure de la substance, et alors la forme s’arrête. Ce que nous venons de dire est en somme ce qu’a dit Platon [Plotin[1]] : car il considère la naissance des formes dans l’Intellect comme l’effet du regard de la Volonté[2], leur naissance dans l’Âme universelle comme l’effet du regard de l’Intellect universel, et de même leur naissance dans la Nature et dans la matière comme l’effet du regard de l’Âme universelle[3] ; et il compare cela à la manière dont les formes intelligibles, c’est-à-dire les pensées, naissent et se forment dans l’âme individuelle, lorsque l’intellect le regarde[4]. Par regarder[5], en parlant des substances, je veux dire qu’elles sont en face les unes des autres et qu’elles épanchent leurs forces et leurs lumières les unes sur les autres, parce qu’elles sont toutes retenues sous la substance première, qui s’épanche par elle-même, c’est-à-dire dont l’épanchement ne vient que d’elle seule[6]. » (Ibn-Gébirol, Source de la vie, liv. V ; trad. de M. Munk, Mélanges de philosophie juive et arabe, p. 100.)

  1. Il faut absolument lire Plotin au lieu de Platon. Les Arabes, dit M. Munk, qui traduisirent de bonne heure certains écrits néoplatoniciens, avaient peut-être, dès le principe, confondu ensemble les noms de Platon et de Plotin, à cause de leur ressemblance. » Nous avons déjà vu un exemple de la même confusion dans le t. II, p. 170.
  2. Voy. ci-dessus p. 529 : « L’Un est la cause de la cause ; il est cause d’une manière suprême et dans le sens le plus vrai, contenant à la fois toutes les causes intellectuelles qui doivent naître de lui. » Le nom de Volonté, qu’Ibn-Gébirol donne ici à l’Un, est parfaitement conforme à la doctrine de Plotin qui dit ci-dessus (p. 534) : « Ainsi tout en Dieu était volonté ; il n’y avait rien en lui qui ne voulût, rien qui fût par conséquent antérieur à sa volonté. Donc, dès le principe, la volonté était Dieu même. »
  3. C’est bien là le résumé de la doctrine des trois hypostases divines telle qu’elle est exposée dans le livre I de l’Ennéade V, et ailleurs.
  4. Voy. ci dessus p. 46.
  5. Regarder n’est ici que la traduction du moi illuminer si souvent employé par Plotin. Voy. notamment ci-dessus p. 421.
  6. Voy. ci-dessus, p. 13 : « Comment donc faut-il concevoir la génération de l’Intelligence par cette cause immobile ? C’est le rayonnement d’une lumière qui s’en échappe sans troubler sa quiétude, etc. »