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LIVRE DEUXIÈME.


contempler elle-même, et elle s’est ainsi déterminée comme Intelligence. Donc, en se reposant auprès de l’Un, elle est devenue l’Être, et en se contemplant elle-même, l’Intelligence. Enfin, en se fixant en elle-même pour se contempler, elle est devenue l’Être et l’Intelligence à la fois[1].

De même que l’Un, l’Intelligence a, par l’effusion de sa puissance, engendré une chose semblable à elle-même. De l’Intelligence a émané ainsi une image, comme de l’Un a émané l’Intelligence. L’acte qui procède de l’Être [et de l’Intelligence] est l’Âme universelle. Elle naît de l’Intelligence et elle se détermine sans que l’Intelligence sorte d’elle-même, comme l’Intelligence elle-même a procédé de l’Un sans que l’Un sortit de son repos.

Quant à l’Âme universelle, elle ne reste pas en repos, elle entre en mouvement pour engendrer une image d’elle-même. D’un côté, en contemplant le principe dont elle procède, elle arrive à la plénitude ; d’un autre côté, en s’avançant dans une voie différente et opposée [à la contemplation de l’Intelligence], elle engendre une image d’elle-même, la Sensation et la Nature végétative[2]. Rien cependant n’est détaché ni séparé du principe supérieur qui l’engendre. Ainsi, l’âme humaine paraît descendre jusque dans le végétal[3] ; elle y descend en tant que le végétal tient d’elle la vie. Cependant l’âme ne passe pas tout entière dans le végétal. Elle n’y est présente qu’autant qu’elle descend vers la région inférieure, qu’elle produit une autre substance en vertu de sa procession (προόδῳ (proodô))[4], qu’elle s’abaisse à prendre soin des choses qui sont au-dessous d’elle. Mais la

  1. Voy. ci-dessus, liv. I, § 7, p. 17.
  2. Voy. Enn. I, liv. I, § 8, t. I, p. 45 ; Enn. IV, liv. IX, § 3. t. II, p. 496.
  3. L'âme humaine est conforme à l'Âme universelle qui produit la sensation dans l'animal et la végétation dans la plante. Voy. Enn. III, liv. IV, § 1-2 ; t. II, p. 88-91.
  4. La procession (πρόοδος (proodos)) est opposée à la conversion (ἐπιστροφὴ (epistrophê)) et au retour à l’Un (ἀναγωγή (anagôgê)). C'est la marche par laquelle toutes choses sortent du premier principe et s’engen-