Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/190

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vertus ou les mauvaises qualités qui sont en eux, restent les unes incomplètes et défectueuses, les autres entièrement incurables.

[2] Si donc le flatteur, comme la plupart des autres fléaux, s'attachait seulement ou principalement aux natures ignobles et basses, son influence ne serait pas aussi funeste, et il ne serait pas aussi difficile de s'en garantir; mais de même que les vers qui rongent le bois attaquent de préférence celui qui est tendre et délicat, de même le flatteur s'abat sur les naturels généreux, bons, humains, et c'est à eux qu'il s'attache pour y trouver sa nourriture. Ce n'est pas tout : de même que, selon Simonide, l'entretien d'une écurie suppose que l'on possède non pas une simple fiole d'essences mais de fertiles pâturages, de même nous voyons que la flatterie ne marche pas à la suite des gens pauvres, obscurs et qui n'ont aucune puissance. Il lui faut des familles, des positions considérables, dont elle prépare la chute et les revers; souvent même elle va jusqu'à renverser des royaumes et des empires. Ce n'est pas un petit travail ou un soin de médiocre prévoyance, que d'épier les manœuvres de la flatterie, que de la prendre sur le fait, d'empêcher qu'elle ne nuise à l'amitié et ne la desserve. La vermine abandonne les mourants et s'éloigne des corps où s'est éteint le sang dont elle fait sa nourriture : ainsi le flatteur dédaigne les existences que j'appellerai desséchées et refroidies : il se fixe sur celles qui sont illustres et puissantes afin de s'y engraisser, et si la fortune change, il s'est bientôt enfui. Mais