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Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/205

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parce que celui-ci avait, dans une comédie, fait un vers contre Cléanthe : il fallut le pardon accordé par ce dernier ainsi que le repentir de l'offenseur, pour que la réconciliation s'opérât. Car il est permis de chagriner son ami si l'on doit à cette condition lui être utile, mais il ne faut pas en le chagrinant que l'on brise l'amitié. Le reproche mordant ne doit être qu'un remède destiné à sauver et à garantir celui que l'on soigne. C'est pour cela que, semblable à un musicien, l'ami sait, en vue du beau et de l'utile, modifier le ton de son instrument : tantôt il relâche les cordes, tantôt il les resserre; il est souvent agréable, toujours il est utile. Mais le flatteur, qui n'a constamment qu'une corde, celle du plaisir et de l'agrément, est dans l'habitude de la faire résonner seule. Il ne sait ce que c'est qu'un acte d'opposition, qu'un mot contrariant; il ne suit d'autre volonté que celle que l'on manifeste, chantant et parlant toujours à l'unisson. Aussi, de même qu'Agésilas, au rapport de Xénophon, était bien aise d'être loué par ceux qui ne demandent pas mieux que de critiquer, de même il faut estimer que celui-là réjouit et complaît en ami, qui peut aussi quelquefois déplaire et résister; et le commerce d'un homme qui veut être continuellement agréable, qui vise uniquement à ce but, qui ne dit jamais une seule parole sévère, doit inspirer de la défiance. Et, en vérité, il faut avoir présent à l'esprit ce mot d'un Lacédémonien devant qui l'on faisait l'éloge du roi Charillus : Comment serait-il vertueux, puisqu'il n'est pas même âpre contre les méchants ?

[12] On dit que le taon se glisse sous les oreilles des taureaux, et la tique, sous celles du chien. Les ambitieux ont leur insecte, qui est le flatteur. Il s'empare de leur oreille en les louant; il s'y attache; et difficilement on l'enlève pour l'écraser. Aussi est-il nécessaire, en pareil cas, d'user d'une décision vigilante et qui soit bien sur ses gardes, pour reconnaître si c'est à l'acte ou bien à l'homme que la louange s'adresse. Elle est décernée à l'acte, si par les gens l'homme