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VERTUS DE FEMMES.

gné le désir, j’ai rédigé par écrit, à votre intention, la suite de cet entretien, dont le but est de prouver qu’il n’y a qu’une seule et unique vertu pour les femmes comme pour les hommes. Mon discours se composera de rapprochements empruntés à l’histoire. Sans doute ce n’est pas une composition destinée au charme de l’oreille. Mais si la nature des exemples est telle que le plaisir s’y joigne à l’instruction, il n’y a pas lieu de reculer devant l’utilité que présente l’alliance de l’agrément et de la démonstration. Je ne rougirai pas de rapprocher les Muses et les Grâces : union la plus belle de toutes et par l’effet de laquelle c’est surtout l’amour du beau qui porte la persuasion dans les âmes. Car enfin, raisonnons. Si, dans l’intention de prouver que le talent de peindre est le même chez les femmes que chez les hommes[1], nous produisions des peintures exécutées par celles-ci et valant les compositions que nous ont laissées les Apelle, les Zeuxis, les Nicomaque, irait-on nous accuser de viser à la galanterie et à la séduction quand nous devons fournir des preuves décisives ? Je ne le pense pas. Qu’est-ce à dire encore ? Si, pour démontrer que le talent de la poésie ou celui de l’imitation n’offre aucune différence chez les hommes et chez les femmes, qu’il est exactement le même, nous comparions les poésies de Sapho avec celles d’Anacréon, ou bien les oracles de la Sibylle avec les oracles de Bacis[2], serait-on en droit d’attaquer notre démonstration parce qu’elle aurait amené l’auditeur à la persuasion par l’agrément et le plaisir ? Non, sans doute, direz-vous encore. Eh bien donc, le meilleur moyen de reconnaître en quoi se ressemblent, en quoi diffèrent la vertu des hommes et celle des femmes, c’est de rapprocher la vie et les actes des uns et des autres, comme on ferait s’il s’agissait des œvres d’un art important ; c’est de les mettre en parallèle ; c’est d’examiner s’il y a le même caractère, le même type, dans la magnificence de Sémiramis et dans celle de Sésostris, dans

  1. Amyot : « que c’est un mesme art de peindre les femmes que les hommes. » Ce n’est pas du tout la pensée de Plutarque, du moins à notre sens.
  2. D’autres : « Baccis », « Brocchis. »