Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/678

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déterminèrent les Hilotes à faire défection et les accueillirent au milieu d’eux. Sparte, vivement alarmée, leur envoya des parlementaires et conclut avec eux un traité de paix, dont les articles furent, qu’ils emmèneraient leurs femmes, que les Spartiates leur fourniraient de l’argent et des vaisseaux pour aller chercher ailleurs un territoire et une ville, qu’enfin ils seraient reconnus comme étant colons des Lacédémoniens et du même sang qu’eux. Ainsi firent ces Pélasges[1] sous la conduite de deux Lacédémoniens, Pollis et son frère Crataïdas[2]. Une partie d’entre eux s’établirent à Mélo ; mais le plus grand nombre, ceux qui suivaient Pollis, firent voile vers la Crète dans l’espérance de voir l’accomplissement des oracles. En effet il leur avait été prédit que quand ils auraient perdu leur déesse et leur ancre, ces courses vagabondes seraient terminées, et qu’ils auraient à fonder une ville là où ils se trouveraient en ce moment. Or ayant mouillé dans la partie de l’île qu’on appelle Chersonnèse, ils furent saisis de terreurs paniques au milieu de la nuit, et ainsi troublés ils s’élancèrent dans leurs vaisseaux au milieu du plus grand désordre, laissant à terre une statue de Diane. Cette effigie, relique nationale, avait été amenée par eux à Lemnos, et de Lemnos ils l’avaient avec eux promenée partout. Revenus de leur panique ils s’aperçurent avec regret, quand ils furent en mer, de la perte qu’ils avaient faite. En même temps Pollis reconnut que l’ancre n’avait plus son croc. Comme elle avait été, selon toute apparence, tirée trop violemment, ce croc, au milieu des bas fonds hérissés d’écueils, avait été arraché sans que l’on s’en aperçût. Alors Pollis, ayant déclaré que les paroles de l’oracle s’accomplissaient, donna le signal pour que l’on revînt en arrière. Il occupa la contrée, défit en plusieurs rencontres les troupes qu’on lui opposa, et s’établit à Lyctus. Il s’empara également d’autres villes qu’il réduisit sous sa domina-

  1. C’est un autre nom qui désigne ces émigrés tyrrhéniens. Amyot supprime cette mention qui est importante et qui, en même temps, a sa difficulté.
  2. Amyot : « Ils prirent pour leurs capitaines Pollis, Adelphus et Crataïdas, Lacédémoniens. » Du mot qui veut dire « frère, » il a fait un nom propre : « Adelphus. »