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Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 1, 1870.djvu/87

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DES ENFANTS.

cet égard[1], quel enseignement utile donnerons-nous aux enfants ? À quelle méthode salutaire leur recommanderons-nous de s’attacher ? Il est important de ne jamais parler, de ne jamais agir à l’aventure. Comme dit le proverbe : « Difficile est le beau ». Mais le discours des gens qui parlent sans préparation est essentiellement léger et de mauvais aloi ; ils ne savent ni par où il faut commencer ni par où il faut finir. Sans que j’énumère leurs autres défauts, les parleurs qui improvisent tombent dans une intempérance extrême de langage et dans des redites continuelles. C’est grâce à la réflexion que l’on ne permet pas au discours de s’étendre au delà de justes limites. Une tradition nous apprend que souvent Périclès, quand le peuple l’appelait à la tribune[2], se montrait rebelle à cette invitation et disait qu’il n’était pas préparé. Pareillement Démosthène, qui se piquait de l’imiter dans sa conduite politique, résistait aux Athéniens quand ils lui demandaient son avis : « Je ne suis point préparé », disait-il également. Du reste, c’est là peut-être une tradition sans autorité et fabriquée à plaisir. Mais ce qu’il y a de certain, c’est que le même orateur dans sa harangue contre Midias, établit d’une manière évidente l’utilité de la préparation. Voici ses paroles : « Je déclare, ô Athéniens, que j’ai médité ; et je ne ferai pas difficulté d’avouer que ma harangue a été préparée par moi avec tout le soin que je pouvais y apporter. Je serais un misérable si, dans la série d’assauts que je soutiens et que j’ai soutenus, je négligeais l’étude de ce que j’ai à dire en pareille circonstance ». Prétendrai-je, pour cela, déprécier complétement la facilité d’improvisation, ou bien voudrai-je que l’on ne pratique pas cet exercice sur des matières d’une véritable valeur ? Non, certes. Mais je tiens qu’il faut en user comme on ferait d’un médicament ; et je suis d’avis que l’on s’interdise tout discours improvisé avant d’avoir atteint l’âge viril. Quand une fois on aura bien affermi son talent, alors, selon la nécessité

  1. Le Grec dit plutôt : « outre cela » ; mais nous ne saurions, si nous traduisions ainsi, retrouver une transition qui est indispensable. — Cette suite de conseils touchant l’élocution semble tout à fait un hors-d’œuvre.
  2. Le texte dit simplement « l’appelait ».