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DES ENFANTS.

style[1], me semble d’abord l’indice non douteux d’un esprit insuffisamment cultivé ; ensuite, j’estime que la pratique d’études trop spéciales est fastidieuse et de tout point peu durable. Car en toute chose l’uniformité affadit et répugne, tandis que la variété intéresse ; et cet effet se produit dans tout le reste, lorsque, par exemple, il s’agit de l’ouïe ou de la vue.

10. Il faut donc qu’un enfant de condition libre ne reste étranger, ni par les oreilles, ni par les yeux, à aucune des autres connaissances dont le cercle forme une instruction complète. Il doit les apprendre en courant, comme pour y goûter, car il est impossible d’être complet en tout ; mais c’est de la philosophie qu’il devra faire profession[2]. Je puis au moyen d’une image exposer nettement ma pensée. Ainsi, il est intéressant d’avoir abordé dans beaucoup de villes, mais il est avantageux de fixer son séjour dans celle dont le régime est le meilleur. Le philosophe Bion disait aussi avec finesse, que, comme les prétendants de Pénélope ne pouvant obtenir ses faveurs s’en consolaient dans les bras de ses suivantes, de même ceux qui sont incapables d’atteindre à la philosophie se dessèchent sur les autres études qui n’ont pas de valeur. Il faut donc faire, en quelque sorte, de la philosophie l’objet capital entre les autres branches de l’instruction. En effet, pour le soin du corps, les hommes ont créé deux sciences, la médecine et la gymnastique, dont l’une nous maintient en bonne santé, l’autre nous assure une bonne constitution ; mais contre les infirmités et les maladies de l’âme il n’y a qu’un remède : c’est la philosophie. Par elle et avec elle il est donné de connaître ce qui est beau, ce qui est honteux, ce qui est juste, ce qui est injuste, ce qu’il faut généralement préférer, ce que l’on doit fuir, comment on doit se conduire à l’égard des dieux, de ses parents, des vieillards, des lois, des étrangers[3], de ses supérieurs, de ses amis, de sa femme, de ses enfants, de ses domestiques. Elle prescrit d’adorer les dieux, d’honorer ses parents, de respecter les vieillards, de se soumettre aux lois,

  1. Peut-être : « … qu’un texte uniforme de discours ».
  2. D’autres voudraient : « il devra vieillir sur la philosophie ».
  3. « Étrangers à la famille ».