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CONTRE COLOTÈS.

4. Colotès reproche premièrement à Épicure, « d’avoir, en disant que rien n’est plutôt de telle manière que de telle autre, porté la confusion dans la vie ». Mais Démocrite est tellement éloigné de croire que rien soit plutôt de telle manière que de telle autre, que le sophiste Protagoras ayant avancé cette même proposition, il l’a combattue, et qu’il a écrit contre ce dernier une longue et solide réfutation. C’est pour n’avoir pas eu connaissance, même en songe, de cette réfutation, que Colotès s’est trompé sur le sens des paroles de Démocrite. Il s’agit du passage où Démocrite décide que den n’existe pas plus que mêden (rien). Par den il désigne le corps, par mêden le vide, et il suppose que le vide a une certaine nature et une substance propre. Mais celui qui croirait que mêden, (le néant), est telle chose plutôt que telle autre, adopterait un des dogmes d’Épicure, à savoir, que toutes les images données par les sens sont vraies. Car si de deux personnes qui disent, l’une : « ce vin est dur », l’autre : ce vin est agréable », aucune ne se trompe dans son appréciation, pourquoi le vin serait-il plutôt dur qu’agréable ? On voit bien souvent que telle personne trouve un bain trop chaud et qu’à telle autre il paraît trop froid : si bien que la première y fait mettre de l’eau froide, et la seconde, de l’eau chaude. Bérénice, femme du roi Déjotarus, recevait un jour, dit-on, la visite d’une dame lacédémonienne. Elles ne se furent pas plus tôt approchées l’une de l’autre, qu’elles se détournèrent subitement : la reine étant révoltée par l’odeur des parfums, et la dame par celle du beurre. Si donc une sensation n’est pas plus véritable qu’une autre, il est naturel aussi que l’eau ne soit pas plutôt froide que chaude, que les parfums et le beurre n’aient pas plus une bonne odeur qu’ils n’en ont une mauvaise. Car répéter que tel objet paraît différent à deux personnes, c’est dire, sans s’en apercevoir, que ce sont deux objets.

5. Venons maintenant à ce dont il a été beaucoup parlé : « à ces symétries, à ces proportions des pores dans les organes, à ces mélanges multipliés de semences, lesquelles, répandues, selon ces philosophes, dans tout ce qui est suc,