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CONTRE COLOTÈS.

et que les procédés d’appréciation leur échappent si il y a un seul objet sensible qui soit simple, et s’il ne leur reste pas le droit de déclarer que chaque qualité se compose de plusieurs qualités.

6. Voyez comment, à propos de la chaleur du vin, Épicure, dans son Banquet, se fait parler à lui-même par Polyénus. Ce dernier lui dit : « Niez-vous, Épicure, que le vin ait la propriété de donner de la chaleur ? » Quelqu’un répond[1], « qu’il n’est pas démontré d’une manière générale que le vin ait la propriété de réchauffer ». Et un instant après : « Il est évident qu’en général le vin n’a point la propriété de réchauffer ; mais on pourrait dire qu’une certaine quantité de vin est capable de réchauffer telle ou telle personne. » Et ensuite, pour en donner la raison, le philosophe admet des atomes qui se froissent et se dispersent, d’autres qui s’agrégent et se combinent quand le vin pénètre dans le corps. Puis il conclut en ces mots : « Conséquemment on doit dire, non pas que le vin a la propriété de réchauffer, mais que, étant donnée telle nature avec telles dispositions, telle quantité de vin peut la réchauffer, comme telle quantité de vin en peut refroidir une autre. Car un tel assemblage de molécules contient une infinité de natures qui peuvent déterminer le froid, et qui, au besoin, perdraient, combinées avec d’autres, cette propriété réfrigérante[2]. De là une double erreur : les uns attribuant au vin d’une manière exclusive la propriété de refroidir, et les autres celle de réchauffer. » Mais Épicure, qui prétend que le grand nombre se trompe en supposant que ce qui réchauffe renferme un principe de chaleur, et ce qui refroidit, une propriété réfrigérante, Épicure lui-même est dans l’erreur s’il ne comprend pas que la conséquence de ses paroles est ceci : Une substance n’existe pas plus d’une manière que d’une autre. Il ajoute : « Souvent c’est sans apporter rien qui réchauffe ou qui refroidisse, que le vin entre dans le corps.

  1. Ricard : « ce philosophe répond ». Il nous est impossible de voir cela dans le texte.
  2. Nous adoptons le sens donné par l’interprétation latine de Didot.