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CONTRE COLOTÈS.

C’est la masse des humeurs qui est mise en mouvement, ce sont les corps qui changent de dispositions. Les atomes propres à produire le froid viennent à se réunir sur le même point, et leur quantité détermine pour le corps de la chaleur et de l’embrasement, comme les mêmes atomes, s’ils eussent été séparés, auraient produit du froid. »

7. Que l’on puisse raisonner ainsi à propos de tout ce que nous croyons, de tout ce que nous disons être amer, doux, purgatif, somnifère, lumineux ; que l’on soit fondé á présenter ces substances comme n’ayant par elles-mêmes aucune qualité, aucune puissance, comme n’étant pas plus actives que passives, et comme produisant sur les corps auxquels elles se joignent tels ou tels effets en raison de la différence des tempéraments, voilà quelle est la conclusion où veut évidemment nous amener Colotès. Lisez dans Épicure lui-même, au second livre de ses Réponses à Théophraste, ce qu’il dit touchant les couleurs : « Les couleurs ne naissent pas avec les corps : elles sont le résultat de certaines dispositions, de certaines attitudes par rapport à la vue. » Certes parler ainsi, ce n’est pas plus dire qu’un corps a de la couleur, que dire qu’il n’en a pas. Or dans un passage précédent, on lit cette phrase que je rapporte mot pour mot : Mais, sans même aborder ce détail, je ne comprends pas comment on est obligé de dire que ce qui est plongé dans les ténèbres a des couleurs. Souvent, il est vrai, quand un air également ténébreux est répandu autour des corps, il y a des gens qui distinguent des différences de couleurs, mais il y a aussi des gens que la faiblesse de leur vue empêche d’avoir cette perception. Autre remarque. Lorsque nous entrons dans un appartement obscur, nous ne voyons absolument aucune couleur. C’est après que nous sommes restés quelques instants que les objets deviennent sensibles à nos regards. Chaque corps n’est donc pas plus revêtu de couleurs, on peut le dire, qu’il n’en est privé. Maintenant si la couleur, en général, est toujours relative, le blanc sera relatif, le bleu le sera aussi. Par suite il en sera de même de ce qui est doux, de ce qui est amer : si bien que de toutes les qualités il