Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 4, 1870.djvu/610

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
600
CONTRE COLOTÈS.

est vrai de dire que leur existence n’est pas plus réelle que leur non-existence, puisque pour des individus affectés de telle manière elles seront sensibles, et pour d’autres, différemment affectés, elles ne le seront pas. » Qu’après cela Colotès parle de bourbier et de vase où se plongent, dit-il, ceux qui veulent que les choses ne soient pas plutôt d’une manière que d’une autre ! Certes, il s’y roule entièrement lui-même, aussi bien qu’il y entraîne son maître et son guide.

8. Est-ce dans cette circonstance seulement que notre illustre

Guérisseur de tous maux, lui-même est plein d’ulcères[1]

qui frappent les regards de chacun ? Non, certes. Mais c’est encore bien plus dans le deuxième livre de ses Réprimandes, que, sans s’en apercevoir, il chasse de la vie Épicure lui-même, en même temps qu’il en chasse Démocrite. « Quand Démocrite, dit Colotès, avance que c’est par convention qu’il y a une couleur, par convention qu’il y a une saveur douce, par convention qu’il y a des contrastes, et que, réellement, le vide seul existe ainsi que les atomes[2], Démocrite est en opposition avec le témoignage des sens ; et ceux qui s’at tacheraient à ses paroles, qui suivraient ce raisonnement ne sauraient même concevoir s’il est mort, ou s’il vit. À un tel discours je n’ai rien à répondre ; mais je puis dire que cette même opinion est aussi inséparable de la doctrine d’Épicure, que la figure et la pesanteur sont, suivant les Épicuriens eux-mêmes, inséparables des atomes. En effet, que dit Démocrite ? « Il y a des substances en nombre infini, indivisibles, indifférentes, et de plus sans qualités : substances impassibles, qui se meuvent dans le vide, où elles sont disséminées. Mais lorsqu’elles s’approchent les unes des autres, ou qu’elles coïncident, ou qu’elles s’entrelacent, leur agrégation fait que par suite il se dégage de l’eau, du

  1. Déjà cité, vol. I, pages 168, 210, et vol. II, page 538.
  2. Le texte est ici fort altéré.