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CONTRE COLOTÈS.

feu, une plante, une créature humaine. Ce que j’appelle spécialement atomes constitue l’universalité des choses, et aucune autre supposition n’est admissible. Car de ce qui n’est pas, rien ne saurait naître, et de ce qui est, rien ne saurait avoir été créé, puisque les atomes, en raison de leur solidité, ne peuvent éprouver de modifications et de changements ; de sorte que, pas plus que la couleur ne peut naître de ce qui est incolore, l’âme ne saurait être produite par ce qui est dénué de toute qualité, par ce qui n’éprouve aucune affection. » Il faut donc faire un reproche à Démocrite, non pas de ce qu’il reconnaît l’analogie des résultats avec leurs principes, mais de ce qu’il a posé les principes d’où suivent ces résultats. Il aurait dû ne pas établir les principes comme immuables ; ou bien, les ayant admis tels, il devait comprendre que c’en était fait de la production de toute qualité. Mais nier des conséquences à cause de leur absurdité, et prétendre en maintenir les principes, voilà ce que j’appelle tomber dans la plus honteuse des contradictions. C’est pourtant ce que Colotès soutient avoir été fait par Épicure, qui pose les mêmes principes, mais qui nie que la couleur, la saveur douce, le blanc et les autres qualités soient des affaires de convention. Si donc les mots : « Il nie », sont les mêmes que ceux-ci : « Il n’adhère pas », Épicure agit selon sa coutume. En effet, en supprimant la Providence il dit qu’il laisse subsister la piété. En même temps qu’il recherche l’amitié à cause de la douceur qu’elle offre, il nous apprend que pour ses amis il supporte les plus grandes douleurs. En même temps qu’il suppose l’univers infini, il ne supprime point une position en haut et une position en bas. Il est bien permis, quand on a pris une coupe, de boire ce qu’on en veut et de rendre le reste ; mais[1] il faut, dans une discussion principalement, se souvenir de cette sage maxime : « Si les principes ne sont pas nécessaires, les conséquences le sont. » Il était donc inutile de poser cette opinion, ou plutôt de la dérober à Démocrite : « Les

  1. Ici le texte semble altéré.