Aller au contenu

Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 4, 1870.djvu/629

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
619
CONTRE COLOTÈS.

occasion de parler, parce qu’il en a fait un texte de reproches contre plusieurs philosophes. Pour le moment je signale l’impertinence avec laquelle il rit à gorge déployée de Socrate et se moque de lui. « Socrate, dit-il, cherche ce que c’est un homme, et déclare étourdiment n’en savoir rien pour sa part. » Colotès en parlant ainsi fait voir qu’il n’a jamais réfléchi sur une telle question. Héraclite, voulant prouver qu’il a accompli un acte important et grave, dit : « Je me suis mis à la recherche de moi-même. » Parmi les inscriptions du temple de Delphes, la plus divine a toujours semblé être le « Connais-toi toi-même » ; et ce fut précisément cette maxime qui constitua pour Socrate le point de départ de ses doutes et de ses recherches, ainsi que le dit Aristote dans ses Questions platoniciennes. Voilà où Colotès trouve sujet de rire. Pourquoi donc ne rit-il pas aussi du maître d’après lequel il se dirige ? Épicure ne fait-il pas comme eux, toutes les fois qu’il écrit et raisonne sur l’essence de l’âme et sur l’ensemble des causes premières ? Si le composé de ces deux choses, comme le veulent les Épicuriens eux-mêmes, si la réunion de l’âme et du corps telle que nous la trouvons en nous constitue un homme, celui qui recherche la nature de l’âme recherche par cela même la nature de l’homme en remontant au principe le plus noble. Or cette nature de l’âme est difficile à reconnaître, même par la raison, et de plus elle échappe aux sens. Ce n’est pas de Socrate, ce sophiste impertinent[1], c’est de la bouche de ces sages, que nous recueillons un tel aveu. Ils ne vont pas au delà des effets que l’âme produit sur la chair : effets qui donnent au corps sa chaleur, sa flexibilité, sa vigueur. Ils bâtissent ainsi pour l’âme une essence composée de quelque chose de chaud, de spiritueux, d’aérien ; mais ils ne remontent pas jusqu’à l’attribut souverain de l’âme, et ils renoncent à le chercher. Le principe qui détermine le jugement, la mémoire, l’amitié, la haine, et en général le principe qui réfléchit et

  1. Dit ironiquement.