Aller au contenu

Page:Plutarque - Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 4, 1870.djvu/640

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
630
CONTRE COLOTÈS.

donnez pour infaillibles les indications fournies par les sens et pour réels les objets perçus par l’imagination ! C’est, tout simplement, qu’à l’imagination de cet homme le bain apparaît comme un bain, et non pas comme une montagne ; la porte, comme une porte, et non pas comme une muraille. De même pour tout le reste. Le raisonnement qui fait que l’on suspend son adhésion n’altère en rien l’impression exercée sur les sens ; le raisonnement ne saurait, dans les affections, dans les mouvements que produisent les sens, opérer un changement capable de troubler l’imagination. Il rejette seulement les opinions, et il fait usage des autres facultés suivant leur destination naturelle. Mais, dira-t-on encore, il est impossible de ne pas accorder son adhésion aux choses évidentes : car nier ce qui est admis par la croyance générale, est plus déraisonnable que de ne rien nier et de ne rien admettre. Qui donc met en question les croyances acceptées par tous ? Qui donc s’insurge contre l’évidence ? Ce sont ceux qui suppriment l’art divinatoire, qui prétendent qu’il n’y a pas une Providence divine, que le soleil n’est pas un être animé, non plus que la lune, bien qu’à ces deux astres les hommes offrent des sacrifices, des prières et un culte religieux. Mais cette tendresse naturelle qui attache à leurs petits ceux qui les ont mis au jour[1], cet instinct évident pour tous, ne le niez-vous pas ? Ne prétendez-vous pas qu’il n’y a point d’intermédiaire entre la peine et le plaisir : ce que démontre au contraire l’expérience personnelle de tous ? Ne dites-vous pas : « la volupté consiste à n’éprouver aucune souffrance », en même temps que vous dites : « N’avoir aucune volupté, c’est souffrir » ?

28. Mais, pour passer le reste sous silence, il est bien évident, (et c’est une croyance unanimement acceptée), que le sens de la vue et le sens de l’ouïe sont complétement altérés lorsqu’on est atteint de folie et d’humeurs noires, lorsque

  1. Ricard : « Ne niez-vous pas ce que tous les hommes avouent, que les enfants sont naturellement contenus dans leurs parents ? » C’est un contre-sens pris d’Amyot.