Page:Plutarque - Vies, traduction Ricard, 1829, tome 11.djvu/183

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que l’air fut toujours épais et ténébreux ; car la chaleur seule peut le raréfier ; son intempérie fit avorter les fruits, qui se flétrirent avant que d’arriver à leur maturité.

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Mais rien ne prouve davantage comment le meurtre de César avait déplu aux dieux que le fantôme qui apparut à Brutus. Pendant qu’il se disposait à faire passer son armée du port d’Abyde au rivage opposé, il se reposait la nuit dans sa tente, suivant sa coutume, sans dormir et réfléchissant sur l’avenir. C’était de tous les généraux celui qui avait le moins besoin de sommeil, et que la nature avait fait pour veiller le plus longtemps. Il crut entendre quelque bruit à la porte de sa tente ; et en regardant à la clarté d’une lampe prête à s’éteindre, il aperçut un spectre horrible, d’une grandeur démesurée, et d’une figure hideuse. Cette apparition lui causa d’abord de l’effroi ; mais quand il vit que le spectre, sans faire aucun mouvement et sans rien dire, se tenait en silence auprès de son lit, il lui demanda qui il était : « Brutus, lui répondit le fantôme, je suis ton mauvais génie, et tu me verras à Philippes. — Eh bien ! reprit Brutus d’un ton assuré, je t’y verrai. » Et aussitôt le spectre s’évanouit. Quelque temps après, à la bataille de Philippes contre Antoine et César, il remporta une première victoire,