Page:Plutarque - Vies, traduction Ricard, 1829, tome 3.djvu/348

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adroite, malgré tous ces discours, cette élévation d’esprit et cette habileté rares, Alcibiade menait la vie la plus voluptueuse, et affectait le plus grand luxe : il passait les journées entières dans la débauche et dans les plaisirs les plus criminels ; il s’habillait d’une manière efféminée, paraissait dans la place publique traînant de longs manteaux de pourpre, et se livrait aux plus folles dépenses. Quand il était sur mer, afin de coucher plus mollement, il faisait percer le plancher de son vaisseau, et suspendait son lit sur des sangles, au lieu de le poser sur des planches ; à l’armée, il avait un bouclier doré, où l’on ne voyait aucun des symboles que les Athéniens y mettaient ordinairement, mais un Amour qui portait la foudre. Les principaux citoyens, témoins de tous ces excès, détestaient sa conduite, et ne pouvaient contenir leur indignation ; ils craignaient d’ailleurs cette licence et ce mépris des lois, comme des vices monstrueux qui semblaient tendre à la tyrannie. Quant aux dispositions du peuple pour lui, Aristophane les a fort bien exprimées dans ce vers :

Il le hait, le désire, et ne peut s’en passer.

Ce poète ajoute, par une allusion plus piquante :

N’ayez pas dans vos murs de lion sanguinaire ;
Ou, si vous en avez, flattez son caractère.