Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/207

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

son ordre, jouer et danser sur le rivage, jusqu’à ce que les ennemis fussent descendus à terre, et que le vaisseau ne pût échapper. Cependant les Mégariens, abusés par ce spectacle, débarquent, et ils se précipitent à l’envi pour enlever les prétendues femmes ; mais ils furent tous tués, sans qu’il en réchappât un seul, et les Athéniens firent voile à l’instant vers l’ile et s’en emparèrent.

D’autres prétendent que ce fut un autre moyen de surprise qu’employa Solon. D’abord, l’oracle de Delphes lui aurait dit :

Rends-toi propices, par tes offrandes, les héros indigènes, patrons du pays,
Ceux que les champs de l’Asopus enferment dans leur sein,
Et dont les tombeaux regardent le couchant.


Solon passa donc de nuit à Salamine, et il immola des victimes aux héros Périphémus et Cychrée[1]). Ensuite les Athéniens lui donnèrent trois cents volontaires, à qui ils avaient assuré, par un décret, le gouvernement de l’île, s’ils s’en rendaient les maîtres. Solon les embarqua sur un certain nombre de bateaux de pêcheurs, escortés par une galère à trente rames, et il alla jeter l’ancre vers une pointe de terre qui regarde l’Eubée. Les Mégariens qui étaient à Salamine n’avaient eu, sur sa marche, que des avis vagues et incertains : ils coururent aux armes en tumulte, et ils envoyèrent un vaisseau à la découverte. Le vaisseau s’approcha de la flotte des Athéniens, et fut pris. Solon mit sous bonne garde les Mégariens qui le montaient, et il les remplaça par les plus braves de sa troupe. Il enjoint à ceux-ci de cingler vers Salamine, en se tenant le plus couverts qu’ils pourraient ; lui-même il prend le reste de ses soldats, et il va par terre attaquer les Mégariens. Pendant qu’il en était aux mains avec eux, les Athéniens du vaisseau surprirent Salamine et s’en emparèrent.

  1. Cychrée avait été jadis roi de Salamine ; Périphémus est inconnu.