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PUBLICOLA.

de lui, tu seras reçu à Rome, et par l’État et par chaque citoyen, d’une manière digne et de ta vertu et de la magnificence romaine. » Clausus réfléchit longtemps à cette proposition ; et il ne trouva, dans la nécessité qui le pressait, nul parti meilleur à prendre. Il fit partager son dessein à tous ses amis, qui, de leur côté, en attirèrent beaucoup d’autres. Cinq mille chefs de famille, sous la conduite de Clausus, émigrèrent avec leurs femmes, leurs enfants et leurs esclaves. C’était ce qu’il y avait de plus paisible chez les Sabins, et de plus accoutumé à une vie douce et tranquille. Publicola, prévenu de leur arrivée, leur fit un accueil empressé, plein de cordialité et de bons offices. Il leur donna à tous le droit de citoyens, et il leur distribua, par tête, deux arpents de terre le long du fleuve Anio[1]. Clausus en eut vingt-cinq pour sa part, et il fut mis au nombre des sénateurs : ce fut là sa première dignité politique. Mais il fit paraître tant de sagesse dans l’administration des affaires, qu’il parvint bientôt aux premières charges, et qu’il acquit un immense crédit. Enfin c’est à lui que remonte la famille des Claudius, qui ne le cède à aucune maison dans Rome.

Cette émigration avait apaisé les troubles parmi les Sabins ; mais les démagogues ne purent les laisser vivre en paix. « Ce serait une honte, criaient-ils, que Clausus, fugitif et votre ennemi, obtînt ce qu’on lui a refusé quand il était ici, et qu’il vous empêchât de vous venger des injures de Rome. » Les Sabins se mirent donc en marche, avec une grande armée, et ils campèrent près de Fidènes. Ils placèrent deux mille hommes en embuscade, dans des endroits creux et couverts, plus avant encore du côté de Rome : leur intention était d’envoyer, le lendemain, à la pointe du jour, quelques cavaliers fourrager jusqu’aux portes de la ville, avec ordre, quand les Romains sortiraient sur eux, de faire semblant de fuir,

  1. Aujourd’hui Teverone, rivière qui se jette dans le Tibre, un peu au-dessus de Rome.