Page:Plutarque - Vies des hommes illustres, Charpentier, 1853, Tome 1.djvu/326

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Cependant les Falisques venaient de s’apercevoir de la trahison du maître d’école, et toute la ville était, comme on peut croire, dans la désolation. Accablés de cet affreux malheur, on voyait les plus considérables de la ville, hommes, femmes, courir tout hors d’eux-mêmes sur les murailles et aux portes, quand tout à coup arrivent les enfants, ramenant leur maître nu et lié, et le frappant de verges, en même temps qu’ils appelaient Camille leur dieu, leur sauveur et leur père. Tous les citoyens, et non point seulement les pères des enfants, sont pénétrés, à ce spectacle, d’une vive admiration pour Camille, et du désir de s’en remettre à sa justice. Ils s’assemblent sur-le-champ, et ils lui envoient des députés, pour se livrer, eux et leurs biens, à sa discrétion. Camille renvoie les députés à Rome. Là, admis dans le sénat, ils dirent que les Romains, en préférant la justice à la victoire, leur avaient appris à préférer eux-mêmes la défaite à la liberté : et qu’ils se confessaient vaincus par la vertu des Romains, sinon inférieurs à eux en puissance. Le sénat, à son tour, les renvoya au jugement de Camille, qui se contenta d’exiger une contribution de guerre, et qui reprit le chemin de Rome, après avoir fait un traité d’alliance avec toutes les populations falisques. Mais les soldats, qui avaient compté sur le pillage de Faléries, et qui s’en revenaient les mains vides, ne furent pas plutôt dans Rome, qu’ils se mirent à décrier Camille, comme un ennemi du peuple, comme un homme qui avait envié aux pauvres un moyen légitime de s’enrichir.

Cependant les tribuns du peuple mirent encore en avant la loi sur le partage des habitants de Rome : et déjà ils appelaient le peuple aux suffrages, lorsque Camille, bravant toutes les haines, et avec une franchise sans égale, prit la parole contre la loi, et, faisant, en quelque sorte, violence au peuple, en obtint le rejet. Le peuple s’y résigna, mais à contre-cœur ; et tel fut le res-